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Citation de Christie71


« Quant aux abeilles, ce ne sont pas de leurs petits qu’elles veulent se débarrasser à la fin de l’été, mais de leurs mâles. Les faux bourdons, ces douces créatures aux grands yeux, dépourvues de dard, restent avachis dans la ruche tout le printemps et tout l’été. Ils ne vont pas chercher de fleurs, ils n’aident ni à sécher le nectar ni à le transformer en miel, pas plus qu’ils ne nourrissent la progéniture ni ne veillent sur elle. Non, ils se la coulent douce, se laissent ravitailler par les ouvrières et sortent de temps à autre voleter alentour, histoire de vérifier s’il ne traîne pas là, par hasard, une reine prête à s’accoupler. Le cas échéant, ils la poursuivent immédiatement, mais réussir à s’unir à elle en vol n’est donné qu’à de rares chanceux. Ceux qui échouent rejoignent en bourdonnant leur colonie, où les attend un repas de consolation sucré. La vie pourrait continuer ainsi éternellement, sauf que, l’été passant, la patience des ouvrières envers ces flemmards atteint ses limites. La jeune reine s’est accouplée depuis longtemps ; quant à ses sœurs, qui ont quitté la colonie avec leurs essaims, elles sont elles aussi servies. L’hiver approche lentement, et les précieuses réserves doivent suffire à alimenter quelques milliers d’abeilles d’hiver, ouvrières dont la vie est particulièrement longue, ainsi que la reine. Nulle n’a stocké quoi que ce soit pour ces paresseux de faux bourdons, et c’est là que s’ouvre un méchant chapitre dans la ruche. Lors de la chasse aux faux bourdons, qui a lieu en fin d’été, les mâles, tellement choyés les mois précédents, sont attrapés sans ménagement et mis à la porte sans autre forme de procès. Bien que résister soit inutile, les faux bourdons s’opposent désespérément de leurs petites pattes à leur évacuation. L’opération n’est visiblement pas à leur goût du tout, et tous leurs sens sont en alerte. Mais celui qui se défend trop est carrément piqué : pas de pitié ! Celui qui reste en vie est voué à mourir de faim atrocement, à moins de finir, illico, dans l’estomac d’une mésange tout aussi affamée. »

***


Nous garons deux véhicules devant notre maison forestière : un véhicule tout-terrain pour le travail dans les bois et une voiture pour les trajets privés. Or, un jour, j’ai découvert, traînant devant la Jeep, un bout de tuyau en caoutchouc. J’ai aussitôt levé le capot et constaté la tuile : une martre avait fait de sacrés dégâts en croquant bon nombre de câbles et de tuyaux. La voiture était bonne pour un séjour chez le garagiste !
Mais pourquoi cet animal avait-il fait de tels ravages dans le compartiment moteur ? Pourquoi la martre est-elle parfois saisie de folie destructrice ? La martre, d’ailleurs, n’existe pas, puisque deux espèces vivent en Europe : la martre des pins et la fouine. La martre des pins est une habitante craintive de la forêt, qui aime dormir dans les creux des arbres et passe le reste de son temps à courir agilement de branche en branche, dans les houppiers. La fouine, elle, est moins liée aux arbres et se sent bien aussi en d’autres sites. Il peut s’agir de rochers et de grottes, ou justement de maisons, lesquelles ne sont ni plus ni moins pour elle que d’anguleuses montagnes. La fouine, qui est curieuse, se promène alors à la recherche de proies, et examine tout de ses dents pointues. Des câbles sectionnés, des tuyaux détruits et des isolants égratignés dans le compartiment moteur ne témoignent pas, toutefois, de sa curiosité, mais d’une fureur sans borne. La petite prédatrice s’emporte en général quand elle soupçonne la présence d’une concurrente. La fouine marque son territoire à l’aide de glandes odorantes qui envoient à toute congénère de même sexe ce signal clair : « La place est prise ! » En temps normal, ses semblables respectent la frontière odorante, et chacune laisse l’autre en paix. Comme il fait si bon se blottir sous le capot, « votre » fouine visite régulièrement votre véhicule. Il arrive qu’elle dépose par la même occasion quelques provisions ; c’est ainsi que nous avons un jour trouvé le bas d’une patte de lapin sur la batterie. Ces visites-là ne causent toutefois aucun dommage. Il n’y a que si vous garez votre véhicule une nuit en contrée étrangère que les choses se corsent…
D’autres fouines, en vadrouille par là, examinent l’objet inconnu, farfouillent dans les cavités et laissent des traces odorantes de leur passage. De retour sur votre terrain, vous laissez « votre » fouine stupéfaite. Elle suppose sans doute qu’une congénère a violé toutes les règles du jeu et utilisé sans invitation son antre préféré. C’est l’affront absolu ! Sous le feu de la colère, elle tente d’éliminer les traces et s’attaque à sa rivale. Des tuyaux mous… Voilà l’idéal pour se défouler. Et elle ne se contentera pas de donner quelques petits coups de dents prudents, comme quand elle examine, mais les sectionnera avec violence. On devinera à quel point une fouine s’est déchaînée à l’état des isolants posés sous le capot. Il ne s’agit parfois que de quelques griffures, mais, dans le cas de notre vieille Opel Vectra, l’isolant pendait en lambeaux quand nous avons vérifié. La fouine s’était visiblement couchée sur le dos pour porter des coups furieux autour d’elle et arracher des morceaux entiers de ses griffes pointues. Les fouines des moteurs n’aiment donc pas forcément les voitures, mais elles détestent la concurrence. Si vous garez votre véhicule toujours au même endroit la nuit, il ne se passera sans doute pas grand-chose. »
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