Extrait du livre audio « La Promesse des arbres » de Peter Wohlleben, traduit par Corinna Gepner, lu par Philippe Spiteri. Parution numérique le 28 septembre 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/la-promesse-des-arbres-9791035411909/
Tendez l’oreille, les vieilles forêts de feuillus offrent un service météo à court terme d’une grande fiabilité : le pinson des arbres.
En temps normal, le chant de ce passereau brun roux à tête grise est une courte série de notes descendantes finissant en fioritures, flûtées et mélodieuses (ne dit-on pas gai comme un pinson ?).
Que la pluie arrive, aussitôt le pinson change de registre et ne répète plus qu’une seule note, claire, et moins charmante.
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Au passage, cet épicéa a fait un sort à quelques doctrines scientifiques. Jusque-là, personne ne savait que l’espèce pouvait dépasser les 500 ans. Surtout, il était généralement admis que les épicéas n’étaient apparus dans cette partie de la Suède que 2 000 ans après le recul des glaciers.
Pour moi, ce petit végétal qui n’a l’air de rien est symbolique du peu que nous comprenons des arbres et des forêts, et de tous les prodiges de la nature qu’il nous reste à découvrir.
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Si les arbres nous sont bénéfiques, la forêt l'est encore plus. Au Japon, la marche en forêt peut aujourd'hui être prescrite par le médecin.
Pour moi, ce sont les hommes qui depuis des millénaires sont responsables de la destruction des forêts par le feu, par négligence et sans volonté de nuire, par exemple en faisant cuire leurs aliments. Les causes naturelles, comme la foudre, qui est effectivement à l’origine de quelques petits foyers localisés, sont des phénomènes trop rares pour que les espèces européennes y aient développé une adaptation.
Tendez l’oreille la prochaine fois qu’il sera question des origines d’un incendie de forêt aux informations : la plupart du temps, c’est l’homme qui est incriminé.

Et quand un arbre est coupé ? Meurt-il ?
Qu’en est-il par exemple, de cette souche multicentenaire évoquée au tout début du livre, que ses congénères maintiennent sous perfusion pour qu’elle ne meure pas ? Est-ce un arbre ? Si ce n’en est pas un, qu’est-ce que c’est ? L’affaire se complique quand la souche forme un rejet. Et cela est d’autant plus fréquent que, dans de nombreuses forêts, les feuillus ont longtemps été exploités par les charbonniers qui les coupaient pour fabriquer du charbon de bois.
Les souches ont formé des rejets qui constituent aujourd'hui, des siècles plus tard, la base d'une majorité de nos forêts de feuillus, notamment de chênes et de charmes. La méthode consistait à couper et à laisser repousser les rejets une quinzaine d'années environ avant de les couper à nouveau, de sorte que jamais les arbres n'atteignaient une grande ampleur.
À l'époque,cette pratique du taillis était dictée par la pauvreté des populations qui ne pouvaient se permettre d'attendre que les arbres grossissent. Les formes en cépées, que vous pouvez rencontrer aujourd'hui en forêt, en sont des vestiges, de même que les renflements globuleux à la base des pieds-mères, signe d'une prolifération des tissus due à l'abattage régulier des rejets.
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Ce qui me tient à coeur, c'est que la protection du climat soit à l'avenir soutenue par une moindre consommation de bois et par la restauration du plus grand nombre possible de surfaces boisées. Car les forêts primaires sont bien nos plus puissantes alliées face au changement climatique.
Une poignée de terre forestière contient plus d’organismes vivants qu’il y a d’êtres humains sur terre.
Les communautés d'arbres, comme les communautés d'hommes, trouvent leur intérêt dans la stabilité ; or celle-ci est menacée par l'inégalité. Que peut faire un arbre de masses de nutriments si son environnement est mal en point ? Si la forêt dépérit, un arbre même fort ne vivra pas bien longtemps. Qui produira le rafraîchissant climat estival ? Qui lui viendra en aide si lui-même vient à tomber malade ? C'est une question que peut se poser chaque milliardaire quant au système social en place dans l'État où il vit.
Quand on sait qu’un arbre est sensible à la douleur et a une mémoire, que des parents-arbres vivent avec leurs enfants, on ne peut plus les abattre sans réfléchir ni ravager leur environnement en lançant des bulldozers à l’assaut des sous-bois.
À propos de la langue : ce n'est pas le seul organe qui vous permet d'exercer votre goût. Commençons par revenir au nez. À ce jour, quelques huit mille substances volatiles contenues dans les aliments sont connues. Étonnamment, lorsque vous mangez, vous les sentez surtout quand vous expirez, et vos impressions gustatives reposent aux trois quarts sur des perceptions nasales.