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Citation de Cielvariable


Au milieu des années 1960, un couple descendit d’un ferry arrivé au port de Värta, à Stockholm.

L’homme avait les cheveux peignés en arrière, une im­­marcescible implantation capillaire et une cicatrice grande comme une pièce de cinq couronnes sur la joue. Il regarda autour de lui, avec des yeux alertes, tranchants comme une lame d’acier. Serrant la poignée de sa valise, il redressa le dos et gonfla la poitrine. Cherchait-il à se faire plus grand pour dissuader les éventuels escrocs et pickpockets qui attendaient, tapis dans l’ombre, de se jeter sur tous ces immigrants fraîchement débarqués ? Ou alors le bon­­homme souffrait-il simplement du dos ?

Sa femme avait des cheveux châtains attachés en un chignon strict. Son ventre légèrement proéminent indiquait qu’elle était enceinte depuis peu. À l’instar de son époux, elle était tout entière absorbée par son environne­ment. D’ailleurs, elle ne savait même plus où donner de la tête et jetait des petits coups d’œil rapides dans toutes les ­directions, comme l’aurait fait un oiseau. En plus de sa propre valise, elle portait un petit sac en tissu dans lequel elle avait, avec le plus grand soin et un sens exceptionnel du détail, empaqueté les affaires qui leur seraient nécessaires pour trois jours. Le papier graisseux avec lequel elle avait emballé leurs sandwichs dépassait du cabas. Agité par le vent, il saluait la foule matinale.

« Ceci, expliqua, en finnois, l’homme avec un grand geste de la main, est la Suède.

– Hmm ? » répondit l’épouse en promenant son regard d’un toit à l’autre avant de le fixer dans le lointain, considérant peut-être qu’ils avaient eu les yeux plus gros que le ventre.

« Eh oui, dit l’homme, jouissant presque de l’hébétude de son épouse. Ici, certains escaliers montent et descendent tout seuls, et certains trains sont souterrains.

– Quoi, tu veux parler des escalators1 ? Et du métro ? »

L’homme fit mine de n’avoir rien entendu.

Il lui fit visiter la ville, où il était déjà venu. Mais rien ne l’impressionna, pas même Katarinahissen. Des ascenseurs, on en trouvait aussi en Finlande.

Le couple fit une halte dans un café, car même l’ingénio­sité d’empaquetage de l’épouse n’avait pu garantir un café chaud toute la journée. Dès qu’ils eurent terminé leur tasse, l’homme, décidément à l’aise partout, alla les remplir une nouvelle fois, sans payer.

« Ceci, expliqua-t-il, s’appelle le påtår. »
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