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Citation de cblanpain


«  Je continue également à m’attirer le dédain amusé de mes condescendants camarades de la compagnie théâtrale. Maintenant les persifleurs du groupe déclarent que j’ai abandonné les ordres pour m’attaquer à la tribu des pom-pom girls, et cela, ô paradoxe, à force d’avoir joué les angoisses sexuelles de Strindberg et d’O’Neil. Enfin, c’est ce qu’ils prétendent.
En fait, il n’y a dans ma vie qu’une seule pom-pom girl qui me plonge dans les pures angoisses de la frustration suprême et rend ridicules mes rêves les plus salaces, une certaine Marcella « Silky » Walsh, de Plattsburgh, dans l’état de New-York. La passion fatale s’est allumée en moi quand j’ai assisté à un match de basket-ball un soir pour la regarder faire son numéro après après l’avoir rencontré dans la file d’attente de la cafétéria l’après midi même et avoir eu la vision rapproché de ce coussin voluptueux, de ce plus irrésistibles des bonbons, sa lèvre inférieure. Dans une de leurs figures favorites, chacune des filles se colle un poing sur la hanche et, de l’autre, fait mine de pomper en cadence dans le vide, en ne cessant de cambrer progressivement la taille en arrière. Pour les sept autres filles en jupe plissée courte et blanche et en gros sweat-shirt blanc cette séquence de mouvements m’apparaît comme une allègre démonstration de gymnastique s’exécutant dans un grand élan d’énergie et aux limites de l’hilarité. Mais dans le bombement dont s’arque peu à peu le ventre de Marcella Walsh se précise la suggestion torride (qui ne saurait m’échapper) d’une offrande, d’une invitation, d’un désir aussi ardent qu’inconscient n’aspirant (à mes yeux) qu’à être satisfait. Oui elle seule semble (à mes yeux, à mes yeux) pressentir que la véhémence contrôlée, endiguée, de cette insipide acclamation n’est que le frêle déguisement de ce libre chant à entonner lorsqu’un pénis projette dans l’extase son pelvis ainsi cabré. Oh, seigneur, comment le désir que m’inspire ce pelvis projeté de façon aussi si provocante vers la bouche de la foule hurlante, le désir que m’inspirent ces poings durs et menus évocateurs pour moi de la plus délicieuse des luttes, le désir que m’inspire ces longues jambes musclées et garçonnières animées d’un imperceptible frémissement, tandis que se dessinent l’arc du corps et que ses cheveux soyeux (d’où son surnom) effleurent à la renverse le sol du gymnase - comment le désir que m’inspirent les plus infimes pulsations de son être peut-il être « inepte » ou « trivial » , « indigne » de moi ou d’elle, quand les vociférations effrénées en faveur de la victoire de Syracuse dans le championnat de basket universitaire national sont, elles, chargées de sens ? »
Philippe Roth - Romans et nouvelles 1959 1977 - Professeur de désir
Bibliothèque de la Pléiade, p868
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