Philip Sidney

De toute science parenthèses (…) notre poète est monarque. Il ne se contente point en effet de montrer la voie, il offre de cette voie un aperçu d'un agrément tel que tout homme se sent tenté d'y pénétrer. Plus encore il commence, comme si votre voyage était censé vous faire traverser de beaux vignobles, par vous donner une grappe de raisin, afin qu'imprégnés de cette saveur vous soyez impatients de pousser plus avant. Il n'entre pas en matière en recourant à d'obscures définitions, qui nécessitent une pleine marge de gloses et accablent de doutes la mémoire ; il vient au contraire à vous en disposant délicieusement avec proportion, des mots qui s'accompagnent de l'art enchanteur de la musique à moins qu'ils n'y aient déjà été préparés, et c'est avec un récit qu'assurément il vient au-devant de vous, récit qui retient les enfants de jouer et les vieillards de rester au coin de leur feu.

« ... La poétique présentée par Sidney dans sa Défense de la Poésie était extrêmement radicale, elle allait bien plus loin que l'esthétique néoplatonicienne de la proportion et de l'harmonie ; en quête de la bonté, de la beauté et de la vérité, Sidney mettait en question les essences platoniciennes et voulait trouver la réalité parmi les phénomènes de la nature telle qu'elle pouvait être observée. C'est d'autre part avec une acuité extrême qu'il présente l'essence de la poésie, sans la réduire à la seule forme versifiée, qu'il analyse la poésie de ses prédécesseurs directs et de ses contemporains. On peut très bien imaginer la Défense de la Poésie comme un écrin dans lequel Sidney a posé Astrophil et Stella, le tout formant un des plus beaux ensembles structurés poétique de l'époque élisabéthaine... » Extrait de la préface de Bernard Hoepffner.