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Critiques de Philippe Blay (3)
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Reynaldo Hahn

Blay Philippe – "Reynaldo Hahn" – Fayard : 2021 (ISBN 978-2-213-62262-0) – format 24x16cm, 702p.

– Annexes pp. 575-702 : arbre généalogique de la famille Hahn (pp.576-577), textes divers traduits de l'espagnol (pp. 578-585), chronologie (pp. 587-598), liste des œuvres musicales et écrits de R. Hahn classées par genre (pp. 599-633), sources et bibliographie (pp. 635-665), remerciements (pp. 667-668), index des noms de personnes (pp. 669-693), index alphabétique des œuvres musicales (pp. 695-699), table des matières (pp. 701-702) ; 4 planches d'illustrations et photographies insérées entre les pages 352-353.

NB : l'auteur présente sa propre démarche de travail dans le dernier chapitre "le temps retenu" (pp. 565-574).



En tant que conservateur en chef responsable des collections musicales de la BnF, l'auteur a facilement eu accès aux fonds publiés ou inédits conservés dans cette institution ; il s'est par ailleurs donné la peine de rechercher et exploiter de nombreux fonds privés : c'est là un travail de longue haleine, alliant le sérieux d'une démarche scientifique à l'enthousiasme d'un musicologue fervent admirateur de la musique et de la personnalité du compositeur (et écrivain) Reynaldo Hahn (1874-1947).



Bien que volumineux, l'ouvrage reste d'une lecture aisée, en raison de son écriture limpide mais aussi et surtout en raison de son articulation autour d'une thèse clairement formulée : Reynaldo Hahn n'était pas seulement un compositeur "de salons", il possédait une connaissance très étendue de la musique occidentale telle qu'elle se pratiquait jusqu'au début du vingtième siècle, il refusa de céder aux diverses "révolutions du langage musical" qui se succédèrent à partir de l'après Première Guerre Mondiale et poursuivit l'exploration des possibilités offertes par la musique occidentale depuis la Renaissance, en passant entre autres par Lully/Rameau, Bach, Mozart, tous compositeurs dont Hahn fut un interprète et promoteur assidu – ce qui constitue probablement sa plus grande originalité.



Malheureusement, il débuta dans ce que l'on appelait "les salons" et fut aussi le créateur de l'opérette "Ciboulette", qui éclipsa rapidement tout le reste de son œuvre relativement prolifique. Il conviendrait de préciser – ce que l'auteur ne souligne pas assez – que les "salons" en question étaient peuplés par les gens dont Proust a si bien rendu le style de vie dans "La Recherche du temps perdu".

Bien sûr, ces cercles réunissaient de nombreuses snobinardes et de nombreux snobinards, mais ces gens disposaient d'une culture dite "classique" dont l'ampleur a totalement disparu parmi les classes dirigeantes actuelles, tout juste capables de singer les pires importations états-unisiennes.



Reynaldo Hahn fut le témoin d'une évolution dont nous voyons aujourd'hui l'aboutissement. Dans notre doulce France, la vie musicale se répartit grosso modo en trois secteurs :



- une élite snobinarde extrêmement minoritaire cultivant l'entre-soi lors de festivals du type "musica" de Strasbourg, s'enthousiasmant pour des créations absconses dites "contemporaines" (genre Boulez, Dusapin et leurs émules), largement répercutées par l'inénarrable station "France Musique" et financées à grands frais par l'Etat, i.e. le contribuable



- une lie sonore, présentée sous le vocable "musique", tonitruante, se mesurant en décibels, largement importée du monde anglo-saxon, d'une vulgarité abyssale, matraquée sur les médias, vecteur indispensable du trafic de drogue, dont la seule originalité pourrait venir des banlieues (rap etc) qui se font cependant rapidement absorber dans ce monde de fric et de snobisme gaucho-bobo. Ce bourbier sonore est à la musique ce que le mac'do est à la gastronomie, le jean à l'habillement, le coca-cola à l'échansonnerie, bref, ce qu'est le mildiou à la vigne : la mort de l'art par la standardisation la plus vulgaire



- une musique variée, alimentant les cercles de musiciens pratiquants, instrumentistes ou choristes, largement amateurs, avec un noyau de professionnels chevronnés : ces ensembles admettent toute sorte de musique (depuis l'époque médiévale), et les pièces de Reynaldo Hahn y trouvent une place tout simplement parce qu'elles sont largement mélodiques, bien construites dans les canons occidentaux (bouh, que c'est vilain !), bref, qu'elles parlent à toute personne disposant d'une pratique instrumentale ou vocale non assujettie aux modes germanopratines...

Cet ouvrage éclaire l'un des aspects de cette déchéance de l'art sonore.



Il possède beaucoup d'autres mérites, comme celui d'évoquer tout "un monde d'hier" (à la Zweig) qui est, aujourd'hui déjà, englouti dans l'oubli.



Pour débuter : écouter



- Venezia "la barchetta" enregistrement restauré, chanté par Reynaldo Hahn lui-même en 1909

https://www.archeophone.org/cylindres_musiques/barcheta.mp3



sur Youtube :

- Venezia "la barchetta" interprété par Giovanni Furlanetto et Marco Zambelli

- Chansons grises: No. 5, L'heure exquise interprété par Philippe Jaroussky

- Quintette pour piano et cordes en fa dièse mineur interprété par le Quatuor Tchalik et Dania Tchalik (piano)

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Reynaldo Hahn

Philippe Blay, né en avril 1960, est un musicologue français, conservateur en chef à la Bibliothèque Nationale de France, spécialiste du théâtre lyrique en France sous la Troisième République et du compositeur Reynaldo Hahn ce qui justifie cette récente biographie.

Reynaldo Hahn, né en 1874 à Caracas au Venezuela est mort en 1947 à Paris, est un compositeur, chef d'orchestre, chanteur et critique musical français d'origine vénézuélienne. Son œuvre la plus célèbre est Ciboulette, une opérette en trois actes, créée le 7 avril 1923 au théâtre des Variétés à Paris. Par ailleurs, sans vouloir la jouer people, ce fût l’amant le plus célèbre de Marcel Proust…

Le bouquin est très complet donc plus que copieux et très dense. Trois axes peuvent en être dégagés : Reynaldo Hahn, sa vie, son œuvre, l’interprète d’exception et l’homme de lettres accompli, chanteur-né, chef d’orchestre et directeur musical de grande envergure, critique musical influent et alerte conférencier ; ses liens avec Marcel Proust (1871-1922) en évitant les ragots ; la vie sociale et culturelle du Paris de cette époque. Comme personne n’ira vérifier que vous avez lu ce livre de la première à la dernière page, vous pouvez vous intéresser plus précisément à l’un ou l’autre de ces thèmes. C’est ce que j’ai fait, je ne m’en vante pas mais la vérité doit primer.

Reynaldo Hahn est le benjamin d’une famille nombreuse d’origine juive allemande très aisée, ce qui contribue « à entretenir chez lui une forme d’insouciance et une absence d’esprit de compétition, même s’il avoue beaucoup travailler ». Précoce, il montre très jeune des dispositions pour la musique et devient l’élève de Jules Massenet au Conservatoire de Paris avec lequel se créera une belle amitié réciproque. Toutes les œuvres du musiciens sont analysées, tout son parcours détaillé et c’est dans ce luxe d’informations pointues que j’ai un peu abrégé ma lecture. Désolé, mais je ne connais pas la musique de cet artiste même si aujourd’hui pourtant, la musique de Reynaldo Hahn séduit une nouvelle génération d’interprètes…

Les deux autres thèmes m’ont beaucoup plus passionné. Sa liaison de deux ans avec Proust débutant par une rencontre en 1894 chez Madeleine Lemaire, peintre de son état, elle fut l'un des modèles qui inspira le personnage de Madame Verdurin dans A la recherche du temps perdu, elle reçoit le Tout Paris dans ses salons chaque mardi, et la fascination de l’écrivain pour « ce beau Latino-Américain qui, au-delà de la séduction physique, est en capacité, par sa culture, son intellectualité, son humour et sa prestance, de devenir l’interlocuteur primordial de l’écrivain majeur qui commence à se construire ». Et quand l’amour s’effacera, une amitié très sincère les unira jusqu’aux derniers jours de Proust, se proposant de jouer les infirmiers pour lui quand il sera mourant chez lui, ou pouvant le visiter sans se faire annoncer ou refouler par Céleste Albaret. On les suit dans leurs déplacements, leur complicité (ou non) intellectuelle et l’on constate que leur liaison homosexuelle ne crée pas de problèmes particuliers à l’époque. On notera, sans que ce soit voulu, qu’ils sont tous deux enterrés au Père Lachaise, non loin l’un de l’autre, Hahn dans son caveau familial.

Enfin, le dernier thème qui court tout du long de l’ouvrage, c’est le contexte historique, social et culturel de cette époque. Les salons chez telle ou telle où les discussions vont bon train sur la littérature et la musique, où l’un se met au piano pour accompagner un artiste vocal ; les sorties nocturnes à l’Opéra ou au spectacle, les répétitions d’artistes ; les voyages à Venise ou en Allemagne, à moins que ce ne soit dans la propriété d’amis en Normandie ou ailleurs… Le beau monde sait vivre.

On croise toute la fine fleur intellectuelle et mondaine et politique de l’époque, les artistes contemporains vénérés par Reynaldo Hahn (Sarah Bernhardt, Saint-Saëns, Pierre Loti…), une distribution prestigieuse.

Enfin je tiens à préciser qu’il y a de nombreuses annexes en fin d’ouvrage, en particulier deux index, l’un de tous les noms propres cités et l’autre de toutes les œuvres du musicien. Des outils indispensables dans ce genre de livre pour s’y retrouver.

Un excellent bouquin.

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Marcel Proust et Reynaldo Hahn : Une création..

Dans un livre à trois voix, quelques petites répétitions sont non seulement inévitables, mais même bienvenues puisque chacune de ses parties forme un tout et peut se lire séparément ou dans la continuité. Les musicologues et mélomanes qui s’intéressent à Hahn y trouveront un complément indispensable à l’ouvrage collectif de 2015 coordonné par Philippe Blay. Et toute personne qui s’intéresse à Proust en tirera un profit inestimable.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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