Il n'y a pas de différence entre le petit d'une baleine et notre enfant. C'est la même joie et la même peine si on venait à le perdre.
La baleine émerge. Elle fait un bon vingt mètres de long, c'est un animal superbe. Il n'y a pas de mots devant une telle beauté. C'est une beauté qui rassemble dans la même émotion, une beauté qui unit les hommes au-delà des différences, une beauté qui impose le respect, une beauté qui sauve le monde. Cette beauté du monde, l'homme a envie de l'attraper, de l'écraser, de la morceler, d'en faire de l'huile. Entre 28 et 30 barils, estime Pat Cartier.
Capitaines aguerris ou jeunes apprentis, harponneurs ou simples marins : la mer glacée du Nord n'était pas une fille difficile, elle prenait tout, en vrac...
Alors, pour la première fois de sa vie, Pat Cartier, le tueur de baleine, a peur. La confiance inébranlable qu’il a dans sa chance vacille. Il a peur de mourir et la peur en profite. Elle s’enfonce en lui comme un coin de fer dans une bûche de bois. L’alliance sacrée qui, jusqu’à présent, maintenait son âme chevillée à son corps se déchire et chaque partie tente de sauver sa peau individuellement. Alors que ses jambes et ses bras se débattent frénétiquement de leur côté, sa pensée, comme un rat enfermé dans une nasse, fait le tour de la cage dans l’espoir de trouver une sortie, une issue à l’inéluctable. (p.38)