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Citation de Partemps


30 octobre : Je suis pour la liberté libre
[Sollers évoque un autre de ses ennemis attitrés : L’Express, en la personne de Jérôme Dupuis (après Angelo Renaldi), à propos de Péguy. Je dois avouer que ces vieilles rancunes ont sûrement une vertu purgative pour Sollers qui ne lâche pas facilement sa proie, mais ne font pas vraiment mon miel. Néanmoins on en trouve quand même pour une tartine - avec une pique à Onfray au passage.Et quand Sollers oublie sa rancœur à l’égard de Dupuis, c’est l’occasion d’un approfondissement et mise au point intéressants sur Péguy ainsi que d’autres considérations sur Proust, la philosophie, l’actualité. Au final, chacun peut y récolter son miel favori, et laisser celui qu’il n’aime pas ou moins.]

… Boum ! L’Express poursuit : « Mais comment expliquer que Péguy devienne notre contemporain capital en 2015 [dont la collection “Bouquins” vient alors de republier les principaux textes] ? Peut-être Péguy “arrange-t-il” tout le monde au fond. »
Ah ! Nous y voilà une nouvelle fois. Mais qu’est-ce que ce « fond » ? Attention, nouvelle rafle : « Sartre s’est trop trompé, Malraux a fini en metteur en scène du gaullisme. Gide fut trop détaché et Aragon trop apparatchik. »

Péguy, lui, « est redevenu actuel, en ces temps où la République, la laïcité et l’identité sont au cœur de débats passionnés. Seul le théâtre des opérations a changé : les sunlights d’“On n’est pas couché” ont remplacé les austères unes des Cahiers de la Quinzaine. »

« Autres temps… », ajoute L’Express. « On sourit en effet, songeant aux récents déboires de Nadine Morano, en découvrant sous la plume de Péguy le mot “race” qui revient littéralement à chaque page de L’Argent. La race, le peuple français, les racines chrétiennes de la France, toutes ces expressions aujourd’hui truffées de mines, s’opposent pour lui aux “coups de Bourse” des bourgeois. On ne sera donc pas étonné qu’un penseur comme Michel Onfray », le voilà lui aussi dans cette charrette triomphale, « revendique cette célébration anticapitaliste du peuple. Et, dans le long portrait que Péguy dresse,dans Notre jeunesse, de son ami Daniel Halévy, intellectuel juif bourgeois parisien, on croit revivre au mot près l’opposition Onfray-Bernard-Henri Lévy… »

En considérant la trajectoire, en particulier politique, de Péguy, on peut comprendre que quelqu’un comme Alain Finkielkraut puisse se reconnaître en lui. En revanche, qu’un intellectuel comme Edwy Plenel ne soit pas dérangé par ce mélange de nationalisme et de socialisme…

… et surtout de chrétienté ! Tous ces braves gens viennent buter contre la littérature et contre la po-é-sie ! Les grands poèmes de Péguy sont illisibles. Mais vois ce livre extrêmement important qui s’appelle Le XIXe siècle à travers les âges. [Et aussi ICI] J’ai été ami avec son auteur, Philippe Muray. Dans ce chef-d’œuvre, qui a été très critiqué, il remonte aux origines spiritualistes du socialisme français.
Rien à voir avec les derniers poèmes de Muray qui sont exécrables. De même, Houellebecq, qui est un excellent raconteur, est un très mauvais poète. Les tentatives poétiques de Péguy (Ève, par exemple) sont pathétiques. Il ne reste qu’à ouvrir Baudelaire au hasard pour mesurer l’abîme.

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Quel est le blasphème le plus profond dans cette morosité générale qui est aussi, paraît-il, une crise d’identité ? Une identité qui s’affirmerait comme heureuse. En cela, je ne suis effectivement qu’un modeste élève de Voltaire. « Je ne sais pas comment j’ai fait pour être aussi heureux », disait-il. Gonflé, non ?
N’oublions pas Stendhal, pour qui Bordeaux était « la plus belle ville de France ». « Ma principale occupation, ou plutôt la seule, a toujours été l’amour », disait-il.

Je crois à la haine inconsciente du style comme disait Flaubert, mais je crois aussi à la haine profonde du bonheur. Aujourd’hui, un écrivain se doit d’être souffrant, maudit ou marginalisé. Ou alors, qu’il décrive la misère. C’est ce que fait, d’ailleurs très bien, Houellebecq à propos de la misère sexuelle. Bravo !

Savoir tomber amoureux, être capable de détecter le sentiment amoureux, c’est également important, non ?

Oh oui ! Pense à Stendhal : son physique n’était pas terrible, et il s’est pris des fiascos considérables. J’en ai parlé dans un roman, Trésor d’Amour.
Note l’inflation idéologique dès lors qu’il s’agit de questions sexuelles. Et souviens-toi du début de Femmes : « Le monde appartient aux femmes, c’est-à-dire à la mort, là-dessus tout le monde ment. »

Si tout le monde ment, ça veut dire que les deux sexes mentent et se mentent l’un à l’autre. Ils ne sont pas conscients de ne pas avoir les mêmes intérêts du tout. Je m’appuie sur un sentiment extrêmement violent de la mort. S’il y a des corps, c’est qu’ils doivent mourir.

Très rares sont les femmes qui reconnaissent avoir mis au monde un être, homme ou femme, pour la mort. C’est très mal de dire une chose pareille. À moins de se référer à la religion.

Dans le catholicisme, le baptême, c’est une seconde naissance. La première est douteuse, c’est du diable qu’il s’agit, avec ses pompes et ses œuvres. La formule du baptême, elle, est tout à fait extraordinaire, mais chut ! Mieux vaut ne pas en parler. On peut toujours relire Dante, cela dit. Lui est allé regarder par là-bas.

L’amour, le sexe, le distinguo est important…

Le profane n’est en rien contradictoire avec le sacré. Titien a peintL’Assomption de la Viergeet une Vénus voluptueusement allongée sur un lit. Aucune contradiction, c’est juste une question de pinceau. Musique sacrée, musique profane : cette distinction est absurde, en tout cas pour un artiste ou pour un écrivain. Il faut toujours refuser la séparation. Le corps humain est capable à la fois d’amour et de libertinage. Sinon sans contradiction, du moins par un très subtil maniement de la contradiction. Tout est dialectique. C’est comme cette idée selon laquelle il faudrait savoir sacrifier la vie à l’œuvre. C’est ce que j’appelle le « catéchisme Flaubert ». Ou encore Julien Gracq : on allait, en pèlerinage, le voir à Saint-Florent-le-Vieil. Touchant.
Pour moi, la littérature est avant tout une école de liberté. Une liberté libre comme dit Rimbaud. Je suis pour la liberté libre !
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