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Citation de Partemps


Vivaldi Antonio (1678-1741)

« Le 4 mars 1678, en même temps que l’apparition d’Antonio Vivaldi en ce monde, se produit un événement très rare : un tremblement de terre. Panique, et beaucoup de dégâts.
J’aime ce signal divin, il définit sa musique. Tempête, éclairs, repos, tourbillon fiévreux et grand calme.
S’il y a un génie du lieu, et du temps absolument singulier de ce lieu, c’est lui. Deux ou trois accords, et on est immédiatement sur place, dans la lagune, entre ciel et eau, dans la préparation des navires, en bateau. Tout évoque ici le bois profilé et rapide, le violon volant, le lent détour flottant suspendu, les cordes, les cordages, une sorte d’artisanat enflammé tenu par l’archet, la main, les doigts, l’oreille infaillible, et puis gouge, varlope, copeaux, coques bondissantes, éclats.

Vivaldi est un dieu grec. Sa fulgurante odyssée reste, par bien des côtés, incompréhensible.
Quel nom, aussi : VI-VAL-DI.
La vie, la valeur, la variété, la vivacité, le dit.
Des dieux au pluriel. C’est dit et redit.
Tout est mystérieux chez lui : sa prêtrise, sa rousseur ("Prete rosso", le prêtre roux ou rouge), sa fureur de composition, sa fécondité créatrice, sa profusion, sa vie de laboratoire incessant avec les jeunes chanteuses de l’Ospedale della Pietà, sa liaison avec la cantatrice Anna Giro (ou Giraud, puisque son père était français), sa mort misérable à Vienne en 1741, la censure sauvage dont il a été l’objet pendant deux siècles, sa redécouverte récente son succès populaire inattendu, sa profondeur cachée.
Robbins Landon, dans son Vivaldi de 1993, rappelle le rôle du poète américain Ezra Pound (voir Pound) dans la résurrection de Vivaldi :

Pendant deux cents ans, le nom d’Antonio Vivaldi n’était connu que des musicologues et des historiens. Mais au XXe siècle, avec le regain d’intérêt pour la musique baroque, il commença à émerger de l’oubli. L’un des artisans de cette renaissance fut l’écrivain américain Ezra Pound, qui vivait à Rapallo et qui y organisa de remarquables concerts consacrés à Vivaldi. Il comptait au nombre de ses amis la violoniste américaine Olga Rudge qui fut l’une des principales interprètes des concerts de Rapallo entre 1933 et 1939. En 1936, à l’instigation de Pound, elle catalogua les trois cent neuf pièces instrumentales de Vivaldi en manuscrits à la Bibliothèque nationale de Turin ; ensuite de quoi elle devint l’une des principales figures dans la renaissance de Vivaldi au XXe siècle, acceptant les fonctions de secrétaire de l’Accademia chigiana à Sienne, où elle fonda, avec le musicologue intalien S.A. Luciani, le Centro di studi vivaldiani.
Olga Rudge était, bien entendu, beaucoup plus qu’une simple "amie" de Pound. On la voit souvent photographiée avec lui à Venise. Je les ai souvent vus tous les deux marcher sur les Zattere, au soleil.
Ce n’est qu’un début. Il faut attendre des années après la Deuxième Guerre mondiale pour que la musique d’église de Vivaldi commence à être connue, sans parler de ses opéras. Les résistances ont été très fortes, mais rien à faire. Vivaldi est un tremblement de terre dans l’histoire falsifiée de la musique, une vague déferlante de vérité et de beauté, d’autant plus inarrêtable qu’il peut passer aussi pour un musicien d’écoute "facile" (on ne compte plus les enregistrements des Quatre Saisons). Il gagne dans tous les registres. C’est une catastrophe pour tous les carcans. [...]

Le ressentiment qu’il provoque est comique. Prêtre catholique et musicien de génie : impossible à admettre. A ce compte-là, il n’est pas non plus admissible que Monteverdi, l’auteur du tardif Couronnement de Poppée, ait été ordonné prêtre dans les dernières années de sa vie. Bref, c’est toujours Venise qui fait problème et qui choque. S’il n’y avait pas eu les transcriptions que Bach a réalisées de Vivaldi (pour lequel il avait la plus vive admiration), il est possible que le nom du "prêtre roux" eût complètement disparu. Les Allemands, par respect pour Bach, ont continué à le citer. Cela a fini par attirer l’attention. L’Histoire et ses ravages ont précipité la suite. Il y avait donc une lumière intraitable et ineffaçable dans l’océan du négatif ? Mais oui, Vivaldi. [...]

J’écoute une fois de plus Il piacere. Et puis le Nisi Dominus, chanté par par James Bowman [cf. plus bas] (il faudrait parler longuement de la façon dont les voix de chant, femmes et hommes, ont été refaçonnées par l’exécution de la musique de Vivaldi, la manière de jouer des instruments aussi. Il a ainsi fallu des années pour que de nouveaux corps amoureux surgissent). J’écoute une fois de plus, jamais assez, ce Gloria résurrectionnel, fou de joie, avec trompettes et choeurs embarqués dans une affirmation grandiose. [...] »
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