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Citation de Partemps


Tout cela pour en venir au clou de l’affaire. A la vraie découverte. A l’Amérique nouvelle de la situation. A l’audace la plus grandiose. Au scoop. J’ai nommé, bien entendu, la phrase sans aucun rapport . Le message féminin qui doit déclencher l’éjaculation. Nous avons là, mesdames et messieurs, une invention remarquable, un véritable tournant dans les annales de l’humanité. Le traitement radical du fameux malaise dans la civilisation. De l’incompréhension entre les sexes, source de toutes les insatisfactions et de tous les maux. C’est à ce propos que j’ai eu le plus de mal avec Sophie, d’ailleurs. On touche ici une limite brûlante. Le processus prétendument naturel est nié jusqu’au fond, mais c’est normal, nous sommes en guerre. Il faut un code, une grille, un chiffre, des messages vraiment adressés. C’est drôle, je n’en aurais peut-être pas eu l’idée sans Radio Londres. « Et voici quelques messages personnels : la rosée était abondante ce matin. Je répète : la rosée était abondante ce matin. » « Les renards n’ont pas forcément la rage. Je répète : les renards n’ont pas forcément la rage. » Voix appliquée, sur fond de brouillage, interceptions ondulantes, bulles et cloques du son. Cela devait vouloir dire qu’un type, quelque part, allait partir mettre une bombe, faire sauter un train, attendre un bateau dans une crique dérobée, un atterrissage ou un parachutage, la nuit, dans un pré. Mais il faut imaginer, maintenant, la scène suivante : une jolie jeune femme, nue, avec ses souliers, son porte-jarretelles et ses bas, se faisant baiser par un bonhomme habillé et simplement débraguetté devant une glace, jouissant visiblement de sa propre image, de son portrait enflammé et glorieux, et disant tout à coup, d’une voix neutre, indifférente : « je crois que je vais mettre une autre robe pour sortir ce soir », ou bien : « il a vraiment fait très chaud aujourd’hui », ou encore : « rappelez-moi d’acheter des roses en rentrant » - phrases qui déclenchent sur-le-champ et comme automatiquement la jouissance et le spasme de son partenaire. Voilà. Nous sommes au coeur du sujet. Au comble de la communication incommunicable, divisée, divergente, contradictoire. Évidemment, la « phrase sans aucun rapport » est décidée à l’avance d’un commun accord. Ou plutôt, elle doit être une trouvaille du partenaire féminin, et l’homme, informé à l’avance, doit s’y conformer à la lettre. Tel est le principe de la transaction, image de toutes les transactions possibles... L’élément verbal est prédominant. Le dispositif est celui d’une sorte de roulette puisque le moment où la phrase sera prononcée est du seul ressort de l’élément féminin. On dirait la mise en place d’un attentat. Et en effet on tient là le moteur, la matrice abstraite de tout terrorisme, une mort soudaine, à l’envers, qui réclame, de la part de l’élément masculin, une maîtrise nerveuse complète.
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