13 heures. Déjà une vague lueur venant du fond apparaissait sous le Trieste, comme une photographie en train d’apparaître dans le bain de développement. Elle n’était pas encore bien nette quand je vis soudain un petit animal de deux à trois centimètres de long passer en frétillant devant le hublot. Une crevette rouge me sembla-t-il, venait nous souhaiter la bienvenue.
10m, 8m, 5m. A présent, le fond est net, la photographie se développe bien ; je vois un large cercle brillamment éclairé en dessous de nous. Et le Trieste continue à flotter, à descendre tout doucement, à une vitesse qui ne dépassent pas quelques centimètres à la seconde. Lentement le cercle se rétrécit, au fur et à mesure que nous approchons du fond.
Le fond était fait d’une sédimentation légère et claire ; un vaste désert couleur ivoire. A 13h06 exactement, le Trieste venait se poser sur le fond de la fosse des Mariannes, par près de 11000 mètres de profondeur. Au moment du « touch down », un léger nuage de poussière se souleva nous permettant d’apprécier la finesse de cet extraordinaire sédiment
Mais surtout, au moment où nous arrivâmes, nous eûmes la chance immense de voir juste au milieu du cercle de lumière apporté par un nos projecteurs, un poisson ; ainsi donc en une seconde, mais après des années de préparation, nous pouvions répondre à la question que des milliers d’océanographes s’étaient posée depuis des dizaines d’années ! La vie, sous forme supérieurement organisée était donc possible partout en mer quelque soit la profondeur.