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Citation de emdicanna


En chemin, le marcheur est à la merci de l'indigène pour une quantité de renseignements pratiques parfois vitaux : l'eau, par exemple. Aussi pluie, poussière, sueurs, boue, étables puantes, auberges malpropres : ses vêtements sont lourds de crasse et de vermine. (...) A Roncevaux, les malades peuvent se laver à l'eau courante et ceux qui le désirent prendre un bain ; un barbier taille barbes et cheveux où pullulent les parasites. A l'hôpital d'Aubrac, on secoue les manteaux des pèlerins au feu de la grande cheminée pour en faire tomber la vermine.
La crasse, comme la fatigue et la solitude, est une des composantes de l'humilité nécessaire au pèlerin. La vulnérabilité aussi, et la peur. Etre nu au regard de Dieu, affolé et résigné à la fois devant tous les dangers en embuscade. (...)
Pour ces errants, le péril est partout ; aux gués et aux bacs ; au coin des bois, où attendent les détrousseurs ; dans la troupe même des pèlerins à laquelle se mêlent tous les pieds poudreux, musiciens, marchands, chanteurs, frères prêcheurs et mendiants, ou, comme énumère un règlement de 1635, des "ouvriers et garçons barbiers, tailleurs, femmes de débauche, arracheurs de dents, vendeurs de thériaque (électuaire opiacé employé contre la morsure des serpents), joueurs de tourniquet, montreurs de marionnettes..." Parmi eux se dissimulent les coquillards, les faux moines, les faux prêtres et même les hérétiques.
On appelle coquillards ceux qui se déguisent en pèlerins, arborant la coquille de Saint-Jacques, pour mendier ou capter la confiance de leurs victimes. Certains suivent les jacquets pendant plusieurs étapes s'il le faut avant de passer à l'action. Au XIVe siècle, en Bourgogne, une forte bande organisée est connue comme la bande des Coquillards, ou Compagnons de la Coquille, formant un monde à part "avec sa solidarité particulière, ses lois, ses chefs et son langage (...). Ils sont au moins cinq cents et mènent la belle vie dans les tripots et les maisons mal famées de Dijon. Une véritable hiérarchie se dessine : les néophytes sont des "apprentis", ensuite ils passent "maîtres" et deviennent "longs" tandis que l'un d'entre eux est le "roi de la coquille". Chacun a sa spécialité : le "vendangeur" coupe les bourses, le "beffleur" triche aux jeux de hasard, le "blanc coulon" détrousse les marchands dans les hôtelleries, l'"envoyeur" est un tueur. Dans leur langue, la potence est "la veuve" qui étrangle les époux successifs que lui amène le "marieur", c'est-à dire le bourreau. Ils exercèrent six ans leur activité avant d'être dénoncés par des filles et jugés à Dijon le 30 octobre 1455 ; certains furent condamnés à la marmite d'eau ou d'huile bouillante. ; d'autres, du haut des gibets, "bénirent le monde avec les pieds" : c'en était fait des Compagnons de la coquille, mais leur organisation et leur esprit se retrouveront bientôt dans la Cour des Miracles. C'est aussi pour se distinguer des coquillards et de tous les faux pèlerins que les jacquets se munissaient d'attestations et faisaient viser leurs passeports.
Ce qui ne les mettait pas à l'abri des voleurs de grand ou de petit chemin. Les archives de la Gironde, par exemple, abondent, au XVIIe siècle, en témoignages de pèlerins détroussés sollicitant l'aumône à Bordeaux.
(...) L'Aubrac est, avec les Pyrénées, les landes et les hauts plateaux d'Espagne, une des régions redoutées des pèlerins. Dans "ces lieux d'horreur et de désolation", combien de pèlerins ont dû s'égarer ou mourir de froid et de faim ! S'il faut en croire la charte de fondation de l'hospice de Roncevaux, "plusieurs milliers de pèlerins étaient morts , les uns perdus dans les tourmentes de neige, d'autres, plus nombreux encore, dévorés par la férocité des loups."
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