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Critiques de Pierre Beaudet (2)
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Passer de la réflexion à l'action

Coopération et solidarité internationale transparente et ouverte



L’ouvrage comporte quatre parties : « Notre monde, uni et divisé », « Les peuples se prennent en main », « Les nouveaux chemins de la solidarité », « S’engager : où, quand, comment ? » et pour ne pas conclure « La solidarité internationale, un engagement citoyen ».



En introduction « La solidarité internationale au Québec, ça vient de loin ! », Pierre Beaudet, Raphaël Canet et Amélie Nguyen indiquent, entre autres : « C’est cet impératif de solidarité qui constitue le fil conducteur de l’ouvrage que vous avez entre les mains. Cet ouvrage a été écrit par plusieurs personnes, pratiquement de trois générations différentes. Il est le fruit d’expériences et d’engagements, d’espoirs et d’aspirations. Il se veut un outil pour les personnes qui souhaitent s’engager dans cette belle aventure de la solidarité internationale, mais avec les pieds bien ancrés dans notre réalité nationale, car changer le monde commence par se changer soi-même, puis changer son entourage, sa communauté, sa société… Partir à la rencontre de l’autre conduit souvent à se découvrir soi-même ».



La première partie est une sorte de radiographie des tendances lourdes du monde uni et divisé, des réalités de la mondialisation. La seconde explore une partie des situations régionales et des mobilisations/réponses en cours de construction. Dans la troisième partie, les auteures analysent les relations entre le Québec et les pays dits du tiers-monde, les réflexions, les propositions en débat de militant-e-s engagé-e-s dans les actions de solidarité. La dernière partie envoie au titre de l’ouvrage « Passer de la réflexion à l’action ».



Je mets l’accent, très subjectivement, sur quelques éléments.



Mondialisation et libre échange, privatisations et déréglementations construits par les États. « Ce processus se fonde sur la croyance que le secteur privé est plus efficace que le secteur public pour produire de la richesse et que la libéralisation de l’activité économique stimule la croissance et améliore le sort des population. C’est cette croyance que l’on nomme le néolibéralisme et qui sert de fondement idéologique à la mondialisation ». Le grand marché planétaire est construit par les pouvoirs publics et les institutions internationales.



Mondialisation et approfondissement des inégalités sociales. Cependant à notre époque, il y a combinaison d’une baisse de l’inégalité internationale et d’une hausse des inégalités sociales au sein des différents pays. Les États ont adopté des politiques fiscales réduisant les taux d’imposition des entreprises et des plus riches, sans oublier les évasions vers les paradis fiscaux. Dans le même temps, ils organisent la baisse du coût relatif du travail. « Avec la mondialisation, le rendement du capital a donc explosé au détriment de celui du travail, lequel a fortement été réduit »



Il convient de rappeler que le néolibéralisme « ne constitue qu’une interprétation de la réalité et de son devenir ». La force du TINA (there is no alternative) s’est construit sur les renoncements des gauches gouvernementales. Ce qui ne dédouane pas les gauches d’émancipation de leurs difficultés à élaborer de nouvelles hypothèses stratégiques, à favoriser les luttes sociales et politiques, leurs auto-organisations et leurs coordinations, à proposer des solutions démocratiques et socio-économiques à vocation majoritaire, ou à construire des solidarités actives au services des populations en lutte à travers le monde. Les auteur-e-s soulignent les dynamiques d’opposition, « l’antimondialisation contestataire », les dynamiques de propositions de « l’altermondialisation créatif » ou l’innovation des Forum sociaux mondiaux (FSM), sans oublier, l’étincelle zapatiste, la bataille de Seattle, Gênes contre le G8, les Indigné-e-s ou le printemps arabe, sans oublier les luttes des jeunes ou des étudiant-e-s…



J’ai particulièrement été intéressé par les articles sur le Brésil ; l’Inde et les « oppriméEs des oppriméEs » et la place des femmes ; le printemps arabe et la place des jeunes ou les analyses sur les forces politiques islamiques « elles sont plutôt favorables aux politiques néolibérales, ce qui a profité à certaines couches sociales moyennes, et n’envisagent pas de faire des réformes sociales d’envergure en s’abritant derrière une véhémente rhétorique selon laquelle une imposition stricte de la religion (la charî’a ou charia) réglera tous les problèmes », sans oublier la colonisation de la Palestine (un chapitre dans la troisième partie du livre est consacré à la solidarité avec la Palestine : « Un bateau pour Gaza ») ou la « guerre sans fin » ; la Bolivie et « Pachamama » (terre-mère en quechua) ; le Mali.



Les auteur-e-s décrivent les « nouveaux chemins de la coopération », les limites et les contradictions de l’aide humanitaire. Les politiques d’aide sont le plus souvent « déterminées en fonction de l’intérêt des pays donateurs ». L’aide humanitaire participe « de l’affaiblissement des capacités des institutions locales ».



L’économie sociale et solidaire est mise en avant et cinq critères sont soulignés :



« - Lucrativité maîtrisée (par distinction avec l’entreprise capitaliste qui mise sur le maximum de profits) ;



- démocratie d’associés (par distinction de l’entreprise capitaliste où dominent de grands actionnaires contrôlant le pouvoir dans l’entreprise) ;



- logique d’accompagnement social dans la communauté (par distinction avec une logique de surconsommation individuelle) ;



- réponse à des besoins dans la recherche d’un « bien vivre » (par distinction avec la création de richesse liée à un « vivre avec toujours plus ») ;



- ancrage dans les territoires (par distinction avec l’entreprise capitaliste peu soucieuse de sa localisation). »



Dans la troisième partie j’ai notamment été intéressé par les articles sur la place des femmes et l’intégration de la notion de genre (« Remettre les femmes au centre du processus de développement ») et l’article sur « Valoriser les droits des peuples et des femmes autochtones ».



Cette partie se termine par une invitation à « Penser, travailler et agir ensemble » : « Bref, travailler en coalition, c’est travailler à la production d’un espace où des sujets constitués à partir de positions variées se rencontrent provisoirement pour prendre la parole et agir sur le terrain politique. Travailler en coalition, c’est occuper un espace qui n’est celui d’aucun sujet en particulier ; on n’y évolue qu’au prix d’une certaine altérité dans la mesure où être avec l’Autre ne signifie pas s’approprier sa lutte, parler en son nom, l’inclure, l’organiser, mais exige que l’on reconnaisse la différence. Dans cette optique, travailler en coalition suppose que l’on agisse en admettant que les ruptures et les divisions fassent partie du processus démocratique, davantage que l’unité imposée par des rapports de pouvoir, au nom d’intérêts communs souvent fictifs ».



S’il faut sauver des vies et ne pas renoncer aux aides d’urgence, il faut aussi et surtout aider « les communautés à se relever et à mettre sur pied des stratégies pour regagner leur autonomie et la sécurité ». Les auteur-e-s montre comment « partir comme stagiaire », démystifient la coopération internationale volontaire.



Il convient aussi de « s’engager dans le combat contre la guerre et la militarisation » ou de « lutter pour la souveraineté alimentaire ». D’autres points concrets sont traités.



« Il s’agit à la fois de maintenir une capacité d’autocritique et d’adaptation dans les organisations, de défendre et de maintenir la coopération solidaire ancrée dans des actions politiques ici et ailleurs, de se réapproprier collectivement le discours en ce moment malmené de la solidarité internationale et de sensibiliser le public aux enjeux de la coopération et de la solidarité internationale de manière originale, transparente et ouverte ».



Des articles complétés de cartes, d’encarts détaillés, de photos, de graphiques, de petites bibliographiques et d’indications d’articles ou de sites sur Internet. Un livre écrit très lisiblement, contrairement à bien des ouvrages de ce coté-ci de l’Atlantique. Un ensemble toujours à compléter, qui ne renvoie pas les actions de solidarité à d’autres conditions sociales, à d’autres temps, tout en ne cachant pas les errements de certain-e-s ou les contradictions existantes. Et comme habituellement, pour cet éditeur, le non-oubli des travailleuses et des travailleurs qui ont imprimé le livre.
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L'internationale sera le genre humain !

Revenir sur l’Association internationale des travailleurs (AIT), est une nécessité. Non pour faire une simple commémoration, un 150ème anniversaire, mais bien pour en analyser les dimensions encore et toujours actuelles.



Alors que le mouvement de centralisation et de mondialisation du capital est aujourd’hui très développé, alors que des organismes comme la Banque mondiale ou le FMI imposent leurs plans d’ajustement structurel à toute la planète, alors que le commerce mondial est structuré et soutenu par l’OMC, que les nouveaux traités internationaux visent à constitutionnaliser le capitalisme, les mouvements d’émancipation ne peuvent éluder les questions de socialisation élargie à l’échelon international. Socialisation, auto-organisation, structures politiques de démocratie… et non simplement coopération. Face à la coordination transnationale des entreprises, du patronat et de la bourgeoise, face à leur « internationalisme » excluant… il s’agit bien de construire un autre internationalisme émancipateur.



Dans leur introduction, Thierry Drapeau et Pierre Beaudet soulignent, entre autres, que l’AIT se fait connaître en publicisant les actions de résistance et en encourageant la formation de sociétés ouvrières nationales. Ils reviennent sur la « création » de l’AIT, des débats, la place de la Commune de Paris…



Aborder aujourd’hui les « courants » ou les orientations dans l’AIT nécessite de faire un effort de contextualisation, à plusieurs niveaux.



Compte-tenu des connaissances, des théorisations et des expériences, l’espace du saisissable, du compréhensible n’était pas le même qu’en ce début du XXIème siècle.



Qu’est-ce qui était possiblement appréhendable ? Quelles projections ou anticipations, pouvaient être, raisonnablement, construites ?



Qui nomme-t-on « ouvriers » ? Comment comprendre les constructions historiques, dans des espaces géographiques et des configurations institutionnelles différents, des mouvements ouvriers ?



De ce point de vue, les articles reprennent des analyses et des termes antérieurement utilisés sans les revisiter, ce qui me semble dommageable. Des pistes intéressantes me semblent néanmoins présentes dans l’article de Philippe Hurteau : « Marx, Bakounine, Proudhon, Blanqui : débats et interpellations » ou dans celui de Xavier Lafrance sur « Les sections françaises de l’AIT », même s’ils ne prennent en compte ni les contraintes institutionnelles « nationales », ni les effets des concentrations de travailleurs. Les « ouvriers » totalement séparés de leurs moyens de production ne sont pas « équivalents » à des ouvriers-artisans propriétaires de leurs outils de production. Et quand est-il des ouvrières absentes des textes ?



Ces remarques faites, je n’aborde que certaines analyses.



Kevin B. Anderson souligne, à travers des exemples sur l’Irlande ou la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, combien le Karl Marx de la « maturité » est éloigné de l’uni-linéarité. Le changement social ne saurait être abordé sous l’angle réducteur de la seule « lutte des classes ».

« La théorie du Marx de la maturité tourne autour du concept de la totalité qui n’offre pas seulement une place considérable à la singularité et à la différence, mais peut égale­ment rendre ces particularités – la race, l’ethnicité et la nationalité – déterminantes pour la totalité ».



J’ai particulièrement été intéressé par le texte d’Amy E. Martin : « La fièvre feniane » : l’anticolonialisme irlandais et l’Association internationale des travailleurs. L’auteure souligne les positions de Karl Marx pour l’indépendance irlandaise, le poids de la domination coloniale dans l’organisation de la classe ouvrière britannique, « L’ouvrier anglais ordinaire déteste l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau d’existence moyen. Il se sent à son égard membre d’une nation dominatrice, devient de ce fait un instrument de ses aris­tocrates et capitalistes contre l’Irlande et consolide leur domination sur lui- même. Des préjugés religieux, sociaux et nationaux le dressent contre l’ouvrier irlandais. II se conduit envers lui à peu près comme les Blancs pauvres envers les Noirs dans les anciens États esclavagistes de l’Union américaine. L’Irlandais lui rend la pareille largement. Il voit en lui à la fois le complice et l’instrument aveugle de la domination anglaise en Irlande ». Contre les positions défendues, entre autres, par Bakounine, les luttes de libération nationale, le soutien aux nationalismes émancipateurs, « furent au centre du projet militant de l’AIT ».



Je souligne aussi, sur ce sujet, l’article sur les luttes démocratiques en Italie, le rôle et les relations avec Giuseppe Garibaldi.



Dans la partie, les « Héritages », je n’indique que la place des analyses d’Otto Bauer, cité par Pierre Baudet (Lire, le récent texte de Patrick Silberstein :" La nation comme association libre" sur le blog "entre les lignes entre les mots").

Gustave Massiah insiste, entre autres, sur la convergence et la pluralité des mouvements, sur l’égalité des droits. Lire son texte « L’AIT et le mouvement altermondialiste contemporain : parcours croisés », publié avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur sur le blog "entre les lignes entre les mots". Christophe Aguiton revient sur des problèmes d’orientation dans le mouvement altermondialiste, et insiste sur les biens communs, les nouveaux droits universels, ou la défense et la promotion des « initiatives autonomes des travailleurs et des consommateurs comme alternative au capitalisme ».

Sur l’Amérique du Sud, en complément du texte de Pierre Mouterde, je rappelle son livre écrit avec Patrick Guillaudat : « Hugo Chavez et la révolution bolivarienne. Promesses et défis d’un processus de changement social ».

Deux mouvements internationaux, au moins, auraient pu donner lieu à des articles approfondis : la Via Campesina, évoquée dans le texte de Pierre Mouterde et la Marche Mondiale des Femmes (MMF).



Je termine par un instant de sidération, le texte de Shanghai Hongsheng Jiang : De la Commune de Paris à la Commune. L’approche de la « révolution culturelle chinoise » peut donner lieu à de multiples approches et appréciations. Mais cela ne peut justifier la lecture a-critique proposée ici, des mythes de « Pour Mao, l’enjeu n’est rien de moins que le renversement par le prolétariat d’une nouvelle bourgeoisie à la tête du Parti communiste chinois (PCC) », ou de « l’avancée vers le communisme », à la défense de la frauduleuse « théorie marxiste-léniniste » couverture idéologique de tous les crimes staliniens, jusqu’aux sanglantes plaisanteries « la Commune de Shanghai se rap­proche de l’idéal communal de Marx » et « La Commune de Shanghai devient ainsi un « semi­-État », en marche vers une société communale sans État »…



Comme l’écrivent, en conclusion, Thierry Drapeau et Pierre Beaudet « Plus que jamais, les mouvements populaires n’ont pas le choix d’être internationalistes. Ce n’est pas seulement parce que le capitalisme est international. L’essence du projet exige l’abolition des inégalités entre les peuples. Le socialisme, l’émancipation, est incompatible avec toutes les formes de subjugation, coloniales ou néocoloniales ou même « post­ coloniales ». Les dominés sont certes différents d’une nation à l’autre par l’histoire et les luttes qui ont configuré des sociétés distinctes. Toutes ces sociétés, devenues capitalistes, fonctionnent selon les mêmes principes, même si les classes dominantes sont habiles pour utiliser ces principes d’une façon hétérogène, reproduisant donc les différences qui deviennent des antagonismes entre les nations et même au sein des nations, entre ceux qui sont d’« ici » et ceux qui sont d’« ailleurs ». La lutte pour la transformation est alors inconcevable si elle ne se répercute pas à une échelle plus grande que celle des États-­nations historiquement constitués. L’internationalisme est une lutte consciente et décisive contre cette hiérarchisation des peuples et promeut, dans son esprit même, cette idée que les humains font fondamentalement partie d’une même « patrie », celle de l’humanité ».




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