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Citation de Charybde2


L’image, médiocre, d’un gros avion à hélices, est extraite d’un film de combat. Une caméra montée dans le nez d’un chasseur et couplée avec les armes de bord s’est mise à tourner lorsque le pilote a ouvert le feu. L’objet est en voie de désagrégation dès son apparition, par le fait même. La séquence, qui n’excède jamais quelques secondes, s’achève le plus souvent par sa volatilisation dans un nuage de fumée, de flammes et de débris. Il existe des kilomètres de pellicule représentant la destruction de tous les types d’appareils qui s’affrontèrent dans les cieux du monde entier, de septembre 1939 à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ils se ressemblent tous. Une tache imprécise, sombre, surgit dans la grisaille du film en noir et blanc, s’illumine d’éclairs, perd des morceaux, fume et déjà se désintègre.
L’appareil, visé, sur la photo, est un Boeing B-17, qu’un journaliste qualifia de Forteresse volante lorsqu’il fut présenté au public, en 1934, à Seattle. Il s’agit ici du modèle G, le plus tardif, aisément reconnaissable à la tourelle de menton qui fut ajoutée en 1943 pour repousser les attaques frontales. Mais les douze mitrailleuses du quadrimoteur n’ont pas suffi à écarter le chasseur allemand qui s’est approché par l’arrière. Les images précédentes sont trop floues pour qu’on voie si l’équipage a esquissé une défense. L’assaillant tire depuis qu’il filme ou filme, si l’on préfère, depuis qu’il a encadré la Forteresse dans son collimateur et pressé la détente. Il s’est écoulé trois secondes, à peine, entre cet instant et celui où des détails se dessinent dans la silhouette du B-17 engagé. Et dans ce très bref laps de temps, la tragédie a été consommée. Les armes jumelées des deux tourelles inférieures pendent vers le bas, inertes, muettes, leurs servants hachés par les projectiles qui ont traversé l’appareil de la queue à la tête comme, sans doute, le reste du personnel, échelonné dans le fuseau de deux mètres de haut, au maître couple, longt de vingt-deux, de la carlingue. Les obus de 20 mm du chasseur – un Focke-Wulf 190, selon toute vraisemblance – ont parcouru à la vitesse de mille mètres à la seconde cet espace oblong, très étroit, explosant au contact des arceaux d’aluminium, des corps engoncés dans les combinaisons de vol en mouton retourné, des câbles, des tuyauteries, des bouteilles d’oxygène, des bandes de cartouches dont il est encombré. Dès cet instant, les hommes – à supposer que le mot convienne quand on a dix-neuf ans, qui était l’âge moyen des équipages – ont été déchiquetés, dépecés par les projectiles spéciaux, à charge accrue, allongés, que l’IG Rheinmetall a mis au point pour abattre plus sûrement les quadrimoteurs qui sillonnent le ciel du Reich.
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