Pierre Boulle

J'étais tenaillé par le désir lancinant de voir la maison de santé. C'est ainsi que cet étrange établissement était désigné par les rares paysans qui s'accrochaient encore à ce coin de Lozère, une terre ingrate, chaque année abandonnée par quelques uns de ses habitants, en particulier les jeunes, et qui risquait de devenir un véritable désert.
C'était cette notoriété de département le moins peuplé de France (et j'avais choisi dans ce département la région la plus délaissée) qui m'avait attiré en Lozère, lorsque, après une maladie pénible, affectant aussi bien le physique que le moral, j'avais décidé de fuir les villes et de m'isoler dans un endroit calme, pour passer ma convalescence dans la seule compagnie de quelques livres et de l'ébauche d'un roman.
Loin du monde, j'espérais mener celui-ci à bonne fin. Je suis journaliste de métier, un métier qui me pèse parfois, et que j'ai formé le projet d'abandonner quand mes œuvres littéraires auront attiré l'attention des foules...
(extrait du chapitre I "La maison de santé")