Moi aussi, un matin, j'ai aperçu Orphée s'enfoncer dans le bois. C'était le jour de sa disparition. J'étais là, dans la brume, seul parmi les arbres. Il est passé près de moi sans me voir.
Il marchait en se parlant comme on écrit une lettre à voix haute, lentement. J'ai oublié les premières phrases. Je ne me souviens que de la fin :
«Je sais que ma vie et la vôtre, ici bas, ne s'appartiendront jamais. Il y aura des instants où le dessin d'un visage, un regard qui tient le mien, la brûlure d'une silhouette, me feront douloureusement croire à votre existence. Je ressentirai cruellement votre absence auprès de chaque femme. Quelques unes, à travers elles, me laisseront vous effleurer. Les âges de ma vie se succéderont. Je vous oublierai souvent. Vous me manquerez toujours.»
Je crois que c'était un poème.
Il n'écrivait jamais de lettres.