ODE
au savon noir
O savon noir !
Savon obscur, Savon paria
Voué à
L'anonymat…
Pour toi ma lyre
Chante et s'étire
Comme celle
de Tityre
ou le flûtiau de Waldeck-Rousseau.
Savon noir,
Je te rends hautement
Et dignement
L'hommage auquel tu as droit et qu'on te
dispute si chichement sous je ne sais quel
prétexte puéril et insuffisant…
Savon noir,
Savon des nuits,
qui blanchit,
sans bruit,
sans éclat,
sans fracas,
Avec le seul souci
Du devoir accompli,
Tiers-Etat des lessives,
Prolétaire sans parfum,
Mercenaire des savons,
Poursuis ton chemin,
O savon noir !
Couleur de soir,
sans qui le blanc ne serait
que ce qu'il est !
N° 54 – Vendredi 19 mai 1939
p.658