Pierre Deghaye

Cet ouvrage est divisé en deux parties. La première s’intéresse à la théosophie allemande, essentiellement à l’œuvre de son fondateur, Jacob Boehme, et de son disciple le plus important, Friedrich Christoph Oetinger, un pasteur luthérien qui ajouta à sa philosophie sacrée des éléments empruntés à la Kabbale. Ce que l’on retient surtout de l’œuvre de Boehme, considéré par Hegel comme le père de la philosophie allemande, c’est la notion d’ungrund, la pure transcendance, inconnaissable, laquelle s’apparente au néant, à l’En-Soph, l’infini de la Kabbale. Mais à côté de cet absolu inaccessible, de cette déité sans fond, en dehors de toute nature, il y a aussi le Dieu qui se manifeste et s’incarne, selon plusieurs modes et niveaux, à travers ses œuvres, sa création, d’une nature primordiale, éternelle, du ciel des anges jusqu’à l’homme fait à son image. Dans ce plan divin l’homme est amené à une seconde naissance, à une transformation complète de son être, dans un sens qui rappelle les pratiques alchimiques de Paracelse, précurseur de la théosophie, où il était autant question de transformation spirituelle que de celle de la matière. Dans cette première partie l’auteur évoque également, bien que plus brièvement, le comte de Zinzendorf et sa communauté des frères moraves qui influencèrent beaucoup les romantiques.

Dans la seconde partie Pierre Deghaye aborde des œuvres et des auteurs qui ont eu un rapport évident avec la théosophie ou la tradition hermétique tels que Goethe, Tieck, Novalis, Hess, Jung et Thomas Mann. Voici donc une suite d’études passionnantes par un grand spécialiste de la littérature allemande et de l’ésotérisme qui la traverse.

Un livre de Massimo Introvigne est par définition un monument étourdissant d'érudition , et ce n'est pas sa récente Enquête sur le satanisme qui fera exception à la règle (Editions Dervy, la Bibliothèque de L'Hermétisme, 1997). En 400 pages, le chercheur italien fait un point exhaustif du sujet, en se reposant sur les deux axes suivants :

- un axe dialectique, selon lequel le satanisme génère toujours, historiquement parlant, une violente réaction anti-satanique, violente au point de se discréditer et de revivifier le courant satanique qu'elle venait d'affaiblir.

- Un axe structural, selon lequel il existe deux types de satanismes radicalement différents : un satanisme religieux, qui croit au Diable de la Bible ; et un satanisme laïc, pour qui l'homme est la mesure de toutes choses, un homme n'acceptant aucune limitation à sa liberté et à sa volonté de puissance. Les manifestations style "profanations du cimetière de Carpenras" sont qualifiés de "satanisme acide", déviations typiques chez une certaine frange de la jeunesse contemporaine, mais ne ressortant pas à proprement parler du modèle.

L'étude est menée en suivant une trame historique, montrant que le satanisme est une affaire récente, prenant ses premières marques au XVIIème siècle. Et Introvigne de nous faire défiler toutes figures marquantes et controversées de cette saga, comme Boullan, Vintras, Huysmans, Le Dr Bataille et Léo Taxil. Une place spécifique est accordée à Crowley ; l'auteur montre avec beaucoup de pertinence que la doctrine de 666 n'est pas une doctrine satanique, même si elle a beaucoup influencé les courants sataniques contemporains. Enfin une large place est accordée à la Church of Satan (courant laïc) et à son hérésie, Le Temple de Set (courant religieux), sans oublier quelques unes de leurs descendances mineures, des ordres consacrés au vampirisme et à la lycanthropie. Lovecraft n'est pas oublié dans cette monumentale étude, et il est analysé avec objectivité comment le mythe de Cthulhu et le Necronomicon ont été récupérés dans des rituels syncrétiques, manquant au demeurant d'inspiration !

Bref, un ouvrage exhaustif et indispensable pour pénétrer un sujet brûlant, controversé et propice aux interprétations les plus fantaisistes.