En faisant, comme on entend le faire ici, l'inventaire des effets politiques corrosifs de ce brouillage de la frontière public-privé, on risque de passer pour un étatiste nostalgique, voire pour un adversaire de la modernisation du pays, incapable de prêter l'oreille à toute cette respiration de l'Etat qui viendrait désormais de son nouveau poumon "public-privé". Voire. Car en ne lisant l'enjeu de cette ligne de partage qu'au prisme de la modernisation et de la compétitivité, on n'a pas vu qu'on se tenait là aux frontières même de l'espace démocratique, là où se définit un intérêt public qui doit toujours se prémunir contre les tendances inégalitaires qui naissent au coeur du capitalisme.
[...] le remodelage néolibéral de l'Etat et de ses politiques économiques, qu'on avait justifié par la nécessité de mettre fin aux myopies publiques, a créé une nouvelle forme de "rente" à la croisée des sphères du public et du privé cette fois. [...] comme si, pour éviter à tout prix l'inefficacité et l'immobilisme supposés des personnes publiques, on avait livré la régulation publique à une capture bien plus grande... [...] les institutions publiques sont devenues la cible essentielle de la concurrence que se livrent les grandes entreprises [...] les grands opérateurs économiques ont ainsi fait de leur capacité à orienter à leur profit le pouvoir politico-administratif [...] un objet central de leurs stratégies.