Je n'écris pas ma musique avec des notes mais avec des mots.
Certains cinéastes font des dessins préparatoires de chacun de leurs plans.
D'autres ont la manie du repérage avec des kilos de photos.
Moi, je travaille dans mes dictionnaires de sons.
Les mots, leurs couleurs, leur devenir sont ma musique.
... Avec moi, le travail de studio ressemble à un travail d'artisan.
Il faut déplacer des boîtes, chercher une fiche, relire un vieux cahier, faire un branchement de filtres, sortir une bande, la poser sur un magnétophone, repérer un son, couper, en chercher d'autres, coller, ranger et recommencer pendant des heures.
Inertes. Inertes et douloureuses. Telles sont les choses, et les êtres, qui m'entourent, qui nous entourent, qui vous entourent. Oui vous, pas moi. Pas moi car je suis seul, et dédaigneux. Car seul j'existe. Il n'y a que moi qui vive, qui marche dans la rue, et les gens que je rencontre n'ont l'apparence de vie que lorsque je les vois.
... Nous n'avons pas encore choisi notre mort. Nous suiciderons-nous ou serons-nous assassinés ? Le soir est la fête. La mort, nous y penserons plus tard. On y pensera pour nous. Un autre s'en chargera.
Mais oui, c'est moi qui vous parle, c'est moi Cagliostro, c'est moi Luther, Napoléon, Nabonide, c'est moi Moïse, Manzoni, François Coppée, c'est moi Fantômas, saint Benoît Labre, c'est moi le Popol Vuh, le décalogue ! Je suis Manu en personne, à droite le bien, à gauche le mal ! Je suis Satan, Lucifer, Angèle de Foligno. Je suis l'être, je suis l'homme, je suis moi, je suis vous ! Ah ! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi !
La musique est un art d'architecture, de construction, de synthèse.
La musique concrète est, avant tout, prise de conscience de l'élément, de l'objet sonore.
Elle commence par l'analyse. Il n'en fallait pas plus pour que naisse le paradoxe : "musique concrète", et, avec lui, le malentendu.