Un barbu hilare, presque grimaçant, faune ou bien satyre au buste conquérant, indiquait l'entrée du domaine enchanté.
Cet Atlante aux dents longues, au regard coquin et à l'oreille pointue, fruit probable de l'Art nouveau, soutenait le ravissant petit balcon d'angle d'une splendide demeure que d'habiles architectes destinaient probablement aux incubes et aux succubes de la haute bourgeoisie. Le choix de ce haut-relief un tantinet chthonien ne laissait guère d'incertitudes, en effet, sur le tempérament des destinataires.
En considération de la nature du lieu que nous allions visiter, peut-être eût-il été plus judicieux de poster un vigile d'un temps plus reculé, contemporain des derniers feux de l'Ancien Régime.
Mais cet homme, statufié dans les années 1890 ou 1900, dont nous ne connaîtrons jamais qu'une partie du buste, avait certainement été façonné dans une toute autre perspective. Jamais il n'avait été question d'en faire l'ambassadeur d'un antique lieu de sépulture ou de le transformer en l'un de ces huissiers qui accueillent, annoncent et introduisent les visiteurs.
D'ailleurs, il se tenait quelque peu éloigné du vieux cimetière, et sa présence n'était sans doute que le résultat d'une coïncidence. Mon cerveau, si prompt à extrapoler, avait établi un lien entre un homme allégorique de la Belle Époque et un lieu d'inhumation qui datait des dernières années du règne de Louis XVI, monarque aussi infortuné que les trois célèbres archiduchesses qui séjournaient alors à Versailles : Marie-Antoinette, reine consort, Marie-Joséphine de Savoie, comtesse de Provence, et Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois.
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Vous aurez sûrement deviné que nous nous trouvions au voisinage du cimetière des Quatre-Nations, sis 9 rue Desmoueux, à Caen, non loin du jardin des plantes.
Des passages de deux chansons interprétées par Nicole Rieu ma traversent alors l'esprit, dans le plus grand désordre, au point que mes pensées en oublient la ponctuation et surtout les points qui ont le tort de mettre un terme à nos émotions et à tout ce que l'on ne peut décrire.
pierre kalmar est la muse de denix Chassain