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Citation de cinquecento


Ce fut à dater de ce jour que Fantìn devint un génie des eaux. Son univers était la lagune et le silence. Mais un silence peuplé des mille frémissement de l’air, car il s’aperçut bien vite que la surface de l’eau transportait la moindre vibration à son oreille exercée. Et chaque jour il aiguisait ses sens, percevait à présent les remous de tout ce qui s’agite sous l’eau, les sauts des carpes, les embardées des mulets mangeurs de moustiques, l’effervescence des nids de civelles. Il confectionna collets et filets et même une petite arbalète pour prendre au piège toute la vie grouillante des roselières. À cheval sur son tronc d’arbre, il glissait sur les hauts fonds, se faufilait dans la jungle minuscule, imitait le héron, parfaitement immobile et l’œil aux aguets, copiait le butor couleur d’herbe morte, ne négligeait pas de plonger dans l’eau saumâtre lorsqu’il apercevait une sole endormie.
Après ses randonnées, il tirait sur la berge son radeau de fortune qui reprenait alors sa nature dérisoire de branche morte tombée lors de quelque tempête. En fait, il s’était pris de passion pour ces expéditions dans ces espaces sans limites de propriété. Tout cela avait l’apparence et la saveur incomparable de la clandestinité ; il était un chat, un rat, un esprit malin capable de savoir ce que nul autre ne savait, capable de déjouer des ruses, de posséder ce qui se dérobe. De plus, comme les produits de sa chasse enrichissait la table familiale, son père le laissait faire et même le félicitait. Ne connaissait-il pas ses prières ? Le curé de Mestre avait-il à se plaindre de son latin ?
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