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Citation de Woland


[...] ... Pendant ce temps, chaque nuit, dans son lit, Merlin peaufinait les phrases qu'il prononcerait devant sa hiérarchie le jour où il serait convoqué et qui, toutes, revenaient à un constat simple, brutal et lourd de conséquences : on inhumait des milliers de soldats français dans des cercueils trop petits. Quelle que soit leur taille, d'un mètre soixante à plus d'un mètre quatre-vingts (Merlin avait dressé, grâce aux livrets militaires disponibles, un échantillon très documenté de la taille des soldats concernés), tous se voyaient mis dans des bières d'un mètre trente. Pour les faire entrer, il fallait briser des nuques, scier des pieds, casser des chevilles ; en somme, on procédait avec les corps des soldats comme s'il s'agissait d'une marchandise tronçonnable. Le rapport entrait dans des considérations techniques particulièrement morbides, expliquant que, "ne disposant ni de connaissances anatomiques, ni de matériel adapté, le personnel en était réduit à fracasser les os du tranchant de la pelle ou d'un coup de talon sur une pierre plate, parfois à la pioche ; que, même ainsi, il n'était pas rare qu'on ne puisse faire tenir les restes des hommes trop grands dans ces cercueils trop petits, qu'on y entassait alors ce qu'on pouvait et qu'on déversait les surplus dans un cercueil servant de poubelle, qu'une fois plein on refermait avec la mention "soldat non identifié" ; que, dès lors, il était impossible d'assurer aux familles l'intégrité des dépouilles des défunts qu'elles viendraient saluer ; que, par ailleurs, les cadences imposées par l'entreprise adjudicataire à ses ouvriers obligeaient ces derniers à ne mettre en bière que la partie du corps le plus directement accessible, qu'on renonçait donc à fouiller la tombe à la recherche d'ossements, de papiers ou d'objets permettant de vérifier ou de découvrir l'identité du défunt comme le prévoyait le règlement et qu'on retrouvait fréquemment, ici et là, des os dont nul ne pouvait savoir à qui ils appartenaient ; qu'outre un manquement grave et systématique aux instructions données en matière d'exhumation et la livraison de cercueils ne correspondant nullement au marché qui lui avait été attribué, l'entreprise, etc ..." Comme on voit, les phrases de Merlin pouvaient être constituées de plus de deux-cents mots ; sur ce plan, dans son ministère, il était considéré comme un artiste.

Le constat fit l'effet d'une bombe. ... [...]
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