Citations de Pierre Menanteau (26)
S’il était le plus laid
De tous les chiens du monde
Je l’aimerais encore
A cause de ses yeux.
Si j’étais le plus vieux
De tous les vieux du monde
L’amour luirait encore
Dans le fond de ses yeux.
Et nous serions tous deux,
Lui si laid, moi si vieux,
Un peu moins seuls au monde
A cause de ses yeux.
A l'encre de Chine
Dans ce godet de porcelaine
Un peu de noir fut dilué.
Naît une fleur de chrysanthème
Qu'un papillon vient visiter,
Laissant en marge son poème.
- Beauté du monde, qui tenez
Dans un godet de porcelaine,
Vous trouverai-je en l'encrier?
RENOUVEAU
Du mois d’avril au mois de mai
La terre se fait plus gentille.
Un joli temps de jeune fille,
Tire l’aiguille, prend le dé.
Parfois un bel arc irisé
Pavoise l’averse qui brille.
Du mois d’avril au mois de mai
La terre se fait plus gentille.
La violette est dans le pré ;
Dans la clairière, la jonquille.
Sous l’arbre en espoir de famille
On entend le merle chanter
Du mois d’avril au mois de mai
Le premier jour de l'an
Les sept jours frappent à la porte.
Chacun d'eux vous dit : Lève-toi !
Soufflant le chaud, soufflant le froid,
Soufflant des temps de toutes sortes,
Quatre saisons et leur escorte
Se partagent les douze mois.
Au bout de l'an, le vieux portier
Ouvre toute grande sa porte
Et d'une voix beaucoup plus forte
Crie à tout vent : Premier janvier !
Le vieux et son chien
S'il était le plus laid
De tous les chiens du monde,
Je l'aimerais encore
A cause de ses yeux.
Si j'étais le plus laid
De tous les vieux du monde,
L'amour luirait encore
Dans le fond de ses yeux.
Et nous serions tous deux,
Lui si laid, moi si vieux,
Un peu moins seuls au monde
A cause de ses yeux.
Le retour au pays natal
C'est un vieux compagnon qui sur la Butte aux Cailles
Avec d'autres Creusois avait trouvé logis.
Fils de coupeur de seigle et de gardeuse d'ouailles
C'est un maçon qui s'en retourne en son pays.
Il ne reviendra plus vers les chantiers des villes.
Fraternité du vin qu'on boit sur le comptoir,
Bruit éclatant de la lumière dans le soir,
Guinguette du dimanche où des danseurs tranquilles
Épuisaient lentement le plaisir de se voir.
Où êtes-vous, Paris, avec votre banlieue?
Cet homme qui revient vous a dit adieu.
C'est un chat de gouttière,
Voyageur de la nuit,
Qui sommeille aujourd'hui
Dans la sourde lumière.
C'est un chat de fenêtre,
Qu'un grillage retient.
Il sort, puis il revient:
Il est son propre maître.
Il y avait un sansonnet
Qui rêvait d'offrir à sa belle
Mieux qu'une chanson: un sonnet.
Faire deux quatrains, deux tercets
Ça n'est pas de la bagatelle
Et notre sansonnet s'essoufflait.
Qu'elle est belle la terre!
Qu'elle est belle, la terre, avec ses vols d'oiseaux
Qu'on entrevoit soudain à la vitre de l'air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l'eau!
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l'homme reste seul derrière le rideau.
Qu'elle est belle, la terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère!
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu'il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.
Nativité
Les flocons légers du silence
Tombent en neige sur le toit.
L'âne et le boeuf, dans cet air froid,
Tendent leur souffle qui s'élance.
Pour mieux te chauffer, faible enfance,
Le père casse un peu de bois.
Les flocons légers du silence
Tombent en neige sur le toit.
Un rouge-gorge se balance
Là-haut sur deux branches en croix
Et ce peu de sang que l'on voit
Troue, on dirait, d'un cri de lance
Les flocons légers du silence.
LES SAPINS DE NOËL
Les sapins, avant la Noël,
Rêvent-ils à d'autres étoiles
Qu'à celles qui brillent au ciel ?
Ils n'iront pas à cloche-pied,
En décembre, mettant les voiles,
(Elles sont au mas accrochées),
Ils bourlinguent vers les maisons
Et c'est là que jusqu'au plafond
Noël viendra les étoiler.
SAPINS DE NOËL
Les sapins, avant la Noël,
Rêvent-ils à d'autres étoiles
Qu'à celles qu'on voit dans le ciel ?
Ils n'iront pas à cloche-pied,
Ils seront bientôt voiturés
Vers la lumière des maisons
Où des guirlandes scintillantes
Aiguilleront jusqu'au plafond
L'effilement des voix qui chantent.
Chat de gouttière
C'est un chat de gouttière,
Voyageur de la nuit,
Qui sommeille aujourd'hui
Dans la sourde lumière.
C'est un chat de fenêtre
Qu'un grillage retient.
Il s'éloigne. Il revient.
Il est son propre maître.
A lui le droit domaine
De ces verts peupliers
Avec leurs escaliers
Qu'il gravira sans peine.
A lui la délicate
Provende des moineaux,
Belles souris d'en-haut
Qui sautent sur deux pattes.
Le chat de gouttière
C’est un chat de gouttière,
Voyageur de la nuit,
Qui sommeille aujourd’hui
Dans la sourde lumière.
C’est un chat de fenêtre,
Qu’un grillage retient.
Il s’éloigne. Il revient.
Il est son propre maître.
A lui le droit domaine
De ces verts peupliers
Avec leurs escaliers
Qu’il gravira sans peine.
A lui la délicate
Provende des oiseaux,
Belles souris d’en-haut
Qui sautent sur deux pattes.
si j'étais le plus laid de tous les vieux du monde, l'amour luirait encore dans le fond de ces yeux
L'écureuil
Ecureuil, écureuil,
Qui récures les noix
Tout là-haut, sur le toit
De ta maison de feuilles,
Ecureuil, où es-tu?
- Je joue à cache-cache
Avec ton oeil pointu
Qui cherche mon panache;
Je suis sur la terrasse
De mon frère le vent;
De bond en bond l'espace
S'agrippe et se détend.
- Je te vois. - Tu me vois?
- Une branche s'agite :
Ah! voici que me quitte
Le feu-follet du bois.
L'orgueilleux oriflamme
Brille je ne sais où.
Il m'a laissé le brou,
La cendre de la flamme.
Lézards
Que craignez-vous de moi, gardiens de la chaleur?
Que craignez-vous, dragons, dont la fine balance,
Soupesant le trésor sensible du silence,
Laisse parfois pointer l'aiguille de la peur
Hors des trous de ce mur qu'offusque ma présence?
Que craignez-vous de moi qui rêve comme vous
De déchiffrer les graffiti de la lumière?
Condensez-vous encore sur l'aplomb de la pierre
Et revenez pour lire entre vos deux genoux
Les pleins, les déliés, les boucles du mystère.
Qu'elle est belle la terre!
Qu'elle est belle, la terre, avec ses vols d'oiseaux
Qu'on entrevoit soudain à la vitre de l'air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l'eau!
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l'homme reste seul derrière le rideau.
Qu'elle est belle, la terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère!
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu'il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.
Pierre Menanteau
Le vieillard fou de poésie
"Ne dites pas à cette fleur
Quel est l'âge de la racine :
Sur le tronc noir de la glycine
S'éteindrait peut-être l'odeur.
Ne dites pas à ce vieux bois
Qu'il est l'image de ma vie :
Le poème qui se déplie
Se refermerait dans mes doigts."
Ainsi parle le vieillard fou.
Voici le temps où les poèmes
Se recueillent en chrysanthèmes
Sur le bois ciré, sur les clous.
Mais la sève a d'autres chemins
Par où la glycine s'élance
Et c'est la grappe de l'enfance
Qui fleurit encore les mains.
Chanson du vieux musée
Des oiseaux de ciel et de feu
Garnissaient des planches étroites.
On voyait aussi dans des boîtes
Des papillons de nacre bleue.
Que c'était beau! Que c'était triste!
L'arc-en-ciel était enfermé,
Mais soudain le mot enchanté
Libère topaze, améthyste,
Et tout s'en va par la croisée,
Et tout s'envole vers les îles.
- C'est le vieux musée d'une ville
Avec son gardien empaillé.
Jour d'hiver
Il y eut un beau jour d'hiver
Qui nous rapporta le soleil :
Il l'avait pris dès le réveil
Sur le bord même d'un ciel clair;
Il l'avait pris au rouge-gorge
Qui, frottant son humble briquet,
Au ras du silex allumait
Le feu tremblotant de sa forge.
Il l'avait pris un peu partout,
Et c'était une flamme haute
Qui montait du bas de la côte :
Le vent soufflait sur l'amadou.