Pierre Raphaël Pelletier

Les dépossédés du Vieux-Hull relate, dans un style poétique et nostalgique, la vie familiale de l'auteur dans un quartier ayant subi, à la fin des années 1960, la destruction de plus de 1 600 maisons, rasées pour l'implantation d'édifices à bureaux gouvernementaux. Les expropriations nécessaires à ce projet ont été diligentées sans tenir compte du tissu social grandement affecté, entraînant son lot de déménagements forcés et l'impression d'impuissance ressentie par la population. « Apparemment, le renouvellement urbain se fait à ce prix, sans aucune considération pour le « petit peuple », ce personnage central de la petite histoire dont la grande Histoire ne tient jamais compte. ».

Sur Internet, des photos de ce quartier disparu donnent un aperçu du style des maisons détruites, certaines ayant plutôt l'air de taudis. Historiquement industriel, le Vieux-Hull comptait sur son territoire des usines à papier employant la plupart des résidants. Situé face à la riche Ottawa, de l'autre côté de la rivière des Outaouais, le secteur faisait tache dans l'environnement huppé de la capitale nationale…

Le récit de Pierre Raphaël Pelletier m'a fait découvrir un pan de l'histoire outaouaise que j'ignorais et qui change certainement ma perception de cette ville que j'ai souvent traversée sans m'y attarder.

Pierre Raphaël Pelletier, Entre l’étreinte de la rue et la fièvre des cafés- Récit - 2012 -



Petites balades dans Hull-Ottawa pour le narrateur qui veut sortir de son alcoolisme. On marche avec lui. On rencontre ses enfants, ses amis peintres et autres. Rien de bien tragique, un moment simplement agréable à déambuler avec lui en ce jour de pluie et de confinement.

Menant une carrière multiple d'écrivain, d'essayiste et d'artiste visuel (il signe d'ailleurs la très belle œuvre en couverture de son livre), Pierre Raphaël Pelletier aborde cette fois le récit, pour nous raconter l'histoire de M. R, son double, qui décide un matin qu'il doit s'extraire des brumes de l'alcool pour continuer à créer. Un jour à la fois, il redéfinit ses repères, doit accepter l'absence, essaie de reprendre pied en peignant, en écrivant.



Même s'il possède une qualité inhérente d'universalité (nous connaissons tous quelqu'un qui a dû combattre, avec plus ou moins de succès, la tentation de l'alcool ou d'autres substances), ce récit aurait facilement pu devenir misérabiliste ou une série de lieux communs. Avec une grande adresse, Pierre Raphaël Pelletier a su éviter l'écueil et nous propose plutôt une ode aux petites beautés du quotidien: marches dans la ville, visites au musée, rencontres avec des amis, conversations au café.
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Le commentaire de Martine :

Ce récit est celui d’un quartier populaire, d’un quartier où résidaient des ouvriers qui ont vu petit à petit leur voisinage s’exiler puisque dans les années 60, on a démoli des maisons pour faire place à des édifices gouvernementaux. Pierre Raphaël Pelletier nous raconte à sa façon poétique ses moments intenses de vie qu’a vécus la population du Vieux-Hull. Il relate le drame qui a arraché sauvagement à ses familles leur lieu de résidence, leur environnement social, culturel et communautaire. Ce sont 6 000 familles qui ont écopé de ce fait historique.

Ce qui apporte une richesse à ce récit, c’est la complicité de l’auteur et de son frère poète Benoît, ils sont des écorchés de ce changement. On retrace le parcours de Pierre Raphaël et son frère Benoît, les familles, les travailleurs et le quartier du Vieux-Hull, ce terrain qui englobe l'île-de-Hull d'autrefois, avec la rue Principale (promenade du Portage) et ses commerces connus pour ses artères et le parc de la Gatineau.

Un beau récit qui nous fait passer par diverses émotions, écrit avec la prose de l’auteur qui démontre une nostalgie de ce quartier qui lui est cher, on sent tous les souvenirs qu’il partage avec son lecteur qui sont empreints de la sensibilité de la blessure qu’il porte en lui.

Un bon moment de lecture qui allie poésie, histoire et amour.
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