J'entendais Raymond vitupérer devant notre téléviseur, puis grogner, puis seulement marmonner, soupirer et enfin pleurer silencieusement dans son verre. Pourquoi notre blé, il ne valait soudainement plus rien ? Personne n'en voulait plus de notre blé ! Et nos semences, pourquoi on n'avait plus le droit de les réutiliser ? Pourquoi fallait-il les racheter à des gangsters industriels ? Raymond, il se croyait défendu par le grand syndicat. Quand il a découvert que ce que voulait le grand syndicat, c'était une mégaferme par village et pas plus, quand il a enfin compris que les motivations profondes des grands chefs syndicalistes, c'était de faire plaisir aux industriels, d'engraisser les gros beaucerons et d'exterminer la petite paysannerie, ça lui a donné comme un coup de bâton derrière le crâne et il s'en est jamais remis. (p.71/72)