Pippo Delbono

"Notre problème majeur dans la vie est que nos émotions sont plus fortes que nous. Nous sommes tristes à cause de l'amour, du travail et nous nous plaignons. Il n'est pas possible de vivre constamment dans la plainte, nous devons être maîtres de nos émotions."

Ce mouvement d'ouvrir et de fermer la main que j'ai utilisé dans Il Tempo degli Assassini était l'unique geste que faisait Vittorio quand il était dans le coma et qu'on venait le voir: on l'appelait et sa seule réaction était ce geste, comme un salut. Après trois ans de training, j'ai pu retrouver cette image, la restituer par un mouvement qui prenait naissance dans mon épine dorsale, et transformer cet élément de mon histoire personnelle en signe poétique.

"La beauté, c'est ce qui est extra-ordinaire. La beauté est une notion plus forte que le beau ou le joli. Il peut y avoir de la beauté au sein même d'images terribles. La beauté, c'est ce qui me touche au-delà de tout, malgré moi."

"C'est vrai que l'art nous offre l'occasion de vivres des moments extraordinaires, mais nous devons en permanence nous mettre nous-mêmes en état de crise et de questionnement personnel. Je ne veux pas tomber dans le cliché de l'artiste et jouer à l'artiste. Le parcours d'un acteur peut être un parcours mystique."

Le naturalisme tue la relation avec le public. Chaque élément, dans un spectacle, est comme une note et chaque acteur est un instrument, comme dans une partition musicale : il y a le sax, le piano, la guitare, la batterie, chacun est seul, mais avec les autres. Chacun a son parcours...et l'écoute se situe à un niveau plus profond. (...) Chacun doit suivre sa propre partition, sans aller dans la partition de l'autre, mais jouer ensemble et, de cette manière, chacun dans sa différence, dans sa solitude, contribue à l'harmonie générale.

"Je suis fait de contradictions et mon théâtre est pétri de contradictions, parce que j'ai peur des méthodes qui peuvent faire oublier la vie."

Aide-moi à comprendre ! Aide-moi à comprendre pourquoi il n'y a plus d'amour dans les yeux des hommes.

Pour moi, l'art est une révolution, cela signifie que c'est une crise, une remise en cause permanente. Il faut être prêt à accepter de tout changer. L'art est dans le changement. Le théâtre est devenu trop souvent réactionnaire, routinier.

"Le métier d'acteur peut devenir un métier absurde et il arrive parfois que les acteurs soient perdus, comme s'ils avaient oublié la nécessité d'utiliser leurs yeux et leur parole. Alors, il émane d'eux comme une tristesse. Le métier d'acteur peut devenir dangereux, lorsque l'on perd la nécessité de trouver dans sa vie des choses plus profondes que des sentiments."

La virtuosité pour moi, c'est la mort de l'art. Ce qui compte avant tout, c'est l'humanité.

J'ai tenté d'utiliser un corps qui ne voulait plus être utilisé, une autre façon, en somme, de creuser la contradiction. En fonction des tensions physiques que j'éprouvais, qui m'étaient imposées par la vie, j'ai cherché à construire une nouvelle dramaturgie... Mes jambes ne répondaient plus, mes mains tremblaient et ma tête, ma tête était sens dessus dessous. J'étais cloué au sol et j'ai imaginé une danse. J'ai essayé de trouver dans cette danse au sol, une nouvelle énergie

L'expérience avec (Pina Bausch) a été essentielle parce que son regard oblige à garder les pieds sur terre, il instaure une distance entre toi et ton travail, il relativise : j'ai vu des danseurs faire des choses très fortes sans s'y arrêter, sans leur donner d'importance. C'est surtout cette attitude, ce rapport au travail, cette distance juste, que j'ai appris auprès d' elle. Ce qu'elle m'a appris aussi, c'est un autre rapport au corps : dans le training oriental, il y a une sorte de rigidité; ce qui importe, c'est l’énergie, et tous les gestes sont liés à ,cette recherche d'énergie.

Lorsque, dans un spectacle, j'utilise un texte c'est un hommage... Je cherche à mieux comprendre ma vie avec ces paroles-là.

Pourquoi y a-t-il plus de gens dans les concerts de rock qu'au théâtre ? Peut-être parce que l musique est plus proche des gens de la rue et que le théâtre n'est aujourd'hui réservé qu'à une catégorie sociale très définie.

Lorsque je joue Henri V de Shakespeare, je ne demande pas ce que pense le roi, je cherche son rythme. Je construis la danse du roi, pas seulement la danse des gestes mais aussi la danse de la parole. Un fluide

Il y a la partition, mais à l'intérieur de la partition, il y a des espaces de liberté. Après la création d'un spectacle, un peu de temps m'est nécessaire pour définir, non pas le sens, mais le juste rythme, le mouvement juste, la construction. Quand on sent que la construction est terminée, le spectacle devient plus fort. Arrive un moment où on n'a plus besoin de penser à ce qu'on doit faire, puisqu'on a intégré la partition: c'est le corps, la voix qui commandent, pas la pensée. Et il faut chercher à avoir le plus d'innocence possible.