Angiolello nageait au milieu des truites, puis il se mettait debout, sur les galets, là où le fleuve n’était plus qu’un filet d’eau. Sa silhouette gigantesque apparaissait et disparaissait à travers les aiguilles des pins maritimes, le soleil était bien haut, accroché aux chênes verts et aux grisards. Il y avait eu bataille, cette nuit-là, dans les gorges de Bovino, avec la bande de Costanzo Manicuncino, un bandit qui avait pris le maquis par désir de l’argent facile et parce qu’il voulait jouir de la vie. Il razziait les cabanes des paysans, des Alburni à l’Apennin pouilleux, et les fermes des riches. « Manicuncino », lui cria Angiolello, du haut d’une de ces gorges, les mains en porte-voix, « je n’aime pas ce que tu fais, reprends-toi et ne tire qu’à raison ou je te fais la peau. » Pour toute réponse, il reçut un coup d’arquebuse qui parcourut le vallon de Bovino. Et Angiolello, à contre-cœur, ordonna l’attaque. Ils combattirent à l’arme blanche jusqu’au coucher de la lune. On lui apporta les oreilles et les mains de Manicuncino dans un chapeau orné de plumes de coq de bruyère. « Je n’aime pas cette odeur du sang de nos frères brigands, dit Angiolello. Je veux vraiment prendre un bain.
. La vie est semblable au jeu de l’oie, pensais-je, il nous faut la traverser d’un bout à l’autre, surmonter difficultés et obstacles en deux ou trois coups de dés. Dès que le but est atteint, on a gagné. Mais quel est le but de la vie, le bonheur imprévu ou la rencontre avec l’archange faucheur ?