Ma fille est partie. Elle m’a arraché la moitié de mon coeur alors que je dormais, et elle est partie avec. Ma voix, elle me l’a volée dans ma bouche, alors que je l’appelais. Maintenant je ne peux plus crier Reviens. Je vous en supplie : Rendez-moi ma fille. Nous ne pouvons te rendre ce qui ne t’appartient pas. Désormais tu es seule. Mais pourtant elle m’appartient. Rendez-la moi. Cherchez-la, rattrapez-la, ramenez-la moi. Elle ne t’appartient pas. Elle ne t’a jamais appartenu. Mais pourtant elle a besoin de moi. Il faut qu’elle mange, il faut qu’elle boive, il lui faut des chants pour s’endormir. Il faut qu’elle soit bercée tous les jours qui restent encore. Tu peux bien la bercer : si elle veut. Si elle ne veut pas, il te faut la laisser partir : elle ne t’appartient pas. Mais pourtant elle est encore petite. Elle est nouveau- née. Elle a encore des os d’hirondelle. Elle n’a encore qu’un oeil et qu’une main. Douze peaux lui manquent encore. Ramenez-moi ma fille, je vous prie. Nous ne pouvons la ramener. Désormais tu es seule. Désormais tu es sans bouclier : comme tout le monde. Désormais tu attends. Peut-être qu’elle reviendra : pendant que tu es en train de dormir. Peut-être qu’elle mangera de ta nourriture : si tu ne regardes pas. Elle saura combien, toi pas, toi plus jamais. Elle ira et viendra comme neige ; te regardera ou pas : tu ne peux l’appâter. Elle t’aimera quand elle voudra, pour la raison qu’elle voudra. Elle te haïra sans te dire pourquoi. Elle t’apportera des cadeaux la nuit : pendant que tu dors et que tu ne l’attends plus. Elle sera vexée si tu l’en remercies. Si tu ne la remercies pas, elle sera vexée et ne viendra plus de sept ans. Avec quoi puis-je l’attacher. Tu ne peux l’attacher. Toujours elle partira en laissant là ce que tu entasses devant elle, les friandises, les sept présents, les souliers neufs.