AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de RChris


La "frustration relative" est elle aussi dévastatrice : elle transforme chacun en voyeur, à la fois aussi dévoré par l'envie face à l'opulence dans laquelle s'affiche telle ou telle célébrité, voire lointaine connaissance, et frustré par le fait que même avec la toute dernière version de téléphone ou de tablette, il n'a qu'un écran en main, et ne peut décidément se rafraîchir dans I'eau turquoise de ce lagon ou s'alanguir sur le moelleux de la banquette de cette berline de luxe qu'il admire sur Instagram. La connexion à des centaines sinon des milliers d'amis sur un réseau social rend d'autant plus vulnérable à leur jugement que cette prétendue amitié ferait se retourner Cicéron dans sa tombe et dans sa toge : dépourvue de toute chaleur, filtrée par les algorithmes pour battre au pouls des likes et commentaires d'autant plus impersonnels qu'ils sont laissés sur un mur, elle ne résulte plus d'une rencontre avec l'altérité ni de l'effort réciproque pour bâtir des liens à l'épreuve des vicissitudes. Le débat démocratique est compromis par les effets de bulle inhérents aux réseaux sociaux: on n'y fréquente que les personnes ayant à peu près les mêmes idées de sorte que les croyances les plus troubles s'en trouvent confortées. De débat, il n'en est d'ailleurs point, car il est confisqué par quelques-uns : aux États-Unis, 25 % des utilisateurs de Twitter génèrent 97% des messages, ce qui transposé en France signifie que 3 millions de personnes, soit 4,5% de la population française, pretendaient définir l'actualité d'une nation. L'ensemble prend des allures de gigantesque défouloir, l'anonymat exacerbant la violence des propos, sous forme de "shit storms" pouvant broyer la réputation d'une femme ou d'un homme, en simplifiant à outrance tout propos, pourvu qu'il permette à son commentateur de se donner l'illusion d'être un gladiateur, sans jamais descendre dans l'arène, sans combattre les lions ou ses semblables au risque de sa vie, sans avoir à gagner sa liberté par le sang versé.
Ainsi l'homo sapiens connecté semble t-il avoir le souffle et le neurone courts quand il s'agit de penser, le cœur gros de ressentiment quand il observe ses congénères, et les doigts chargés de fiel et d'acide quand il tapote sur son clavier.
Commenter  J’apprécie          80





Ont apprécié cette citation (8)voir plus




{* *}