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EAN : 9782246835172
352 pages
Grasset (10/01/2024)
4.5/5   7 notes
Résumé :
Hier, l’intelligence artificielle était un fantasme de science-fiction. La voilà sur le point de nous remplacer dans bien des fonctions. Faut-il anticiper un affrontement entre la machine et l’homo sapiens ?

Avec une hauteur de vue inédite sur une question brûlante, le psychiatre et chercheur en neurosciences Raphaël Gaillard montre que cette nouvelle intelligence, née en imitant notre cerveau, a toutes les raisons de s’hybrider avec notre propre i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre est déroutant, c'est un essai écrit par un psychiatre, chercheur qui plus est, un de ceux qui s'intéresse à la technologie et aux apports de celle-ci pour essayer de réparer les vivants et leurs cerveaux.
Les collègues de Raphaël Gaillard de l'université de Stanford ont ainsi réussi à apposer deux puces de 100 électrodes à un patient tétraplégique qui ne pouvait plus bouger.
Il put envoyer des signaux qui étaient décodés et convertis en lettres par l'ordinateur relié.
Le rythme de 18 mots émis par minute fut plus efficace que celui de Jean-Dominique Baudis dictant “le scaphandre et le papillon” par le seul mouvement dont il conservait la maîtrise : le clignement de son oeil gauche pour sélectionner la bonne lettre.
Il est déroutant car faisant défiler son propos sur l'augmentation de l'homme par la technologie, sa réalité, ses possibles, ses perspectives, ses effets indésirables et comment accompagner ce mouvement inéluctable… il conclut par l'apologie de la lecture.
Au final, cette introduction qui m'avait laissé interrogatif est ainsi éclairée :
“Le livre dont vous achevez l'introduction est tout autant l'exposé du problème posé par l'hybridation technologique que sa solution. Il vous suffit de lire.”

Mais avant d'en arriver à sa conclusion, suivons sa démonstration et accompagnons le développement de son essai.
Aurait-on trouvé la parade aux douleurs du membre fantôme ? Ce phénomène n'est pas marginal puisqu'il touche 90% des personnes amputées.
C'est un phénomène étrange puisqu'apparait une douleur émanant d'un membre qui n'existe plus et que cette douleur est rebelle aux traitements antalgiques et peut conduire au suicide.
Ayant dirigé un centre de rééducation réalisant des prothèses pour les personnes amputées, j'avais été interloqué par cette manifestation qui nous laissait démunis. Je découvre avec ce livre, qu'aujourd'hui, on peut traiter cette aberration.

En bon psychiatre, Raphaël Gaillard ne peut s'empêcher de se référer à Lacan qui fait la part belle au langage et au stade du miroir pour nous entraîner vers les personnalités narcissiques comme ce patient qui ayant monopolisé la parole pendant tout le repas s'inquiéta avant le dessert : “Mais assez parlé de moi, je vous écoute Messieurs, que pensez-vous de moi ?” !

L'auteur enchaîne les réflexions toutes intéressantes en soi, mais dont je ne percevais pas jusque là le cheminement car il fait parfois le grand écart comme quand il réhabilite l'électroconvulsivothérapie (ETC) stigmatisée sous le nom d'électrochocs dans le film : “Vol au dessus d'un nid de coucou” (1975).
Ayant gardé quelques préjugés sur la méthode, dont il dit qu'elle est beaucoup plus sécurisée, je lui laisse énoncer l'intérêt actuel du procédé : “L'ETC est extrêmement efficace dans la dépression, avec un effet secondaire : elle induit des troubles de la mémoire circonscrits à la période pendant laquelle elle est pratiquée. le plus souvent ce n'est pas gênant, cette période étant celle de l'incommensurable souffrance de la mélancolie.”

Concernant les traumatismes, il évoque le Propanol, un bêta-bloquant en cas de syndrôme de reviviscence de l'état de stress post-traumatique qui est indiqué associé à une technique psychothérapique - l'accompagnement de la remémoration du souvenir traumatique - réconciliant ainsi pharmacothérapie et psychothérapie, qui sont souvent opposées.
La technique psychothérapeutique EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une recommandation qui consiste à provoquer des mouvements oculaires réguliers pendant que le patient fait le récit de son expérience traumatique.
Elle produit une diminution des émotions associées et est beaucoup employée.

“Les médicaments et les drogues qui rendent intelligents” ou “smart drugs” visent à modifier le fonctionnement de notre cerveau en augmentant nos facultés psychiques : caféine, cocaïne, amphétamines, cathinones, méthylphénidate, modafinil, adrafinil…

Les Français dorment en moyenne 6 h 42 par 24 heures, sachant qu'un tiers sont en dette de sommeil et accroissent les risques d'obésité, de diabète, d'hypertension et de risques cardiaques, attestant de l'importance du sommeil.
Quant à l'état hypnagogique, cet entre deux (pas tout à fait éveillé et pas encore endormi) a ses partisans : Thomas Edison expliquait ainsi pratiquer la sieste assis dans un fauteuil, des sphères métalliques dans les mains.
La chute de celles-ci à son endormissement le réveillait aussitôt, et il trouvait dans ce très court demi-sommeil l'inspiration pour ses multiples trouvailles.
(Tiens je fais parfois pareil, en tenant parfois un livre qui me tombe des mains, mais cela ne m'inspire pas pour autant la chronique du livre qui a chu ! )

L'Intelligence Artificielle (IA) et ChatGPT, et leurs limites, prennent une place importante dans ce livre.
Il passe également en revue “la frustration relative” produite par internet et la dévastation/manipulation des réseaux sociaux.
Je ne peux développer mais vous je laisse des extraits en citation.

Parvenu à ce stade de ma chronique, non sans avoir relevé l'effet collatéral qui est de m'avoir donné envie de lire Flaubert, je voudrais me montrer plus convaincant pour vous rapporter la démonstration de ce livre, mais il faudra pour cela que je relise cette somme d'informations, tant le raisonnement d'un psychiatre qui possède tout cet arsenal thérapeutique m'a surpris lorsqu'il conclut sur l'aspect fondamental de la lecture, cette maladie textuellement transmissible.
En attendant, je me contenterai de le citer :
“...il se pourrait bien que le livre soit le seul à même de nous conserver entiers dans cette puissante transformation par la technologie. Comme s'il était le garant d'une forme de continuité de l'homme. Il faut dire que l'écriture - et donc la lecture - est la grande affaire de l'humanité. Elle ne signe pas seulement le passage de la Préhistoire à l'histoire, elle constitue notre hybridation première. Un livre, de plomb ou de papier, c'est déjà une annexe de notre cerveau, une prothèse cérébrale, un hors-de-soi que nous acceptons de partager, et qui en retour nous transforme. En passant de la tradition orale à la tradition écrite, nous avons consacré cet objet comme réceptacle et comme don de nos savoirs, de nos identités. Il se pourrait bien que cette hybridation, l'écriture, porte en elle toute les autres. Il se pourrait bien qu'elle en soit la propédeutique.”

Ce livre est un outil qui éclaire notre route et nous augmente.
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critiques presse (1)
LeMonde
22 février 2024
Loin d’être terrifié par l’IA, l’auteur indique, à juste titre, qu’elle peut servir de complément, et non pas de substitut robotique, à une clinique humaniste de la folie, à condition toutefois que celle-ci ne soit pas délaissée, comme aujour­d’hui, par les pouvoirs ­publics.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
[ surchauffe du cerveau humain ]

D’un côté, celui du primate non humain, le codage est robuste, garanti par une plus grande synchronisation entre neurones. De l’autre, celui des hommes, le codage permet une plus grande informativité, c’est-à-dire un contenu plus riche des communications cérébrales, mais au prix de leur fiabilité. Nous aurions donc fait le choix de la complexité plutôt que de la robustesse. Ou plus exactement, l’Évolution nous aurait conduits sur ce chemin, pour de plus grandes facultés cognitives mais en risquant des défaillances du cerveau. Selon les chercheurs israéliens ayant mené ces travaux, ces bugs, c’est ce dont nous ferions l’expérience sous la forme des troubles mentaux : la folie comme prix à payer pour notre statut d’Homo sapiens.

La machine, c’est-à-dire nous, aurait ainsi été poussée à l’extrême, au risque de dérailler, délirer, se mettre en veille prolongée. Cette surchauffe de notre encéphale ne se mesurerait pas seulement au fait qu’il consomme 20 % de notre énergie pour 2 % de notre poids, mais à cette fragilité constitutionnelle. Si notre cerveau ne se supporte déjà plus, qu’en sera-t-il en l’hybridant ? Il y a fort à parier que les mêmes causes conduiront aux mêmes effets. Ce que nous pouvons anticiper, c’est une augmentation de la fréquence des troubles mentaux : une épidémie à venir.
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[ Don Quichotte ]

Côté face, le cerveau. Et avec le cerveau, un homme déconstruit, un homme atomisé. Les interfaces cerveau-machine, en prenant appui sur cette atomisation, viennent en quelque sorte la magnifier. L’homme augmenté aura des compétences exceptionnelles, mais dans des domaines spécifiques, correspondant aux structures cérébrales accessibles à cette hybridation. Il y gagnera en puissance, assurément, mais il y perdra en harmonie, en équilibre. Un certain nombre y perdront même la raison.

Côté pile, le livre. Parce qu’il n’est de découverte qui ne puisse être contée, et que c’est même cette épopée qui en fait la substance. Il faudrait pouvoir raconter l’ingéniosité, les trouvailles, les effets de hasard, la persévérance, les doutes qui sont le quotidien des médecins et chercheurs qui travaillent à cette aventure, sans parfois en comprendre la portée. Il faudrait par ce récit rendre perceptibles le décalage avec le cours du monde, les guerres picrocholines autour d’un axiome ou d’une méthode, les obstinations déraisonnables ou au contraire les palinodies qui égayent cette communauté scientifique. La recherche n’a rien d’un long fleuve tranquille, elle a au contraire ses rapides et ses chutes, ses eaux stagnantes et ses marigots, son tumulte, ses écluses. Elle a sa part de déraison, et cette déraison n’est pas étrangère à ses réussites et ses effets de vérité. Bref, il faudrait rendre compte de ce que la recherche doit à Don Quichotte.

Plus fondamentalement, il se pourrait bien que le livre soit le seul à même de nous conserver entiers dans cette puissante transformation par la technologie. Comme s’il était le garant d’une forme de continuité de l’homme. Il faut dire que l’écriture – et donc la lecture – est la grande affaire de l’humanité. Elle ne signe pas seulement le passage de la Préhistoire à l’Histoire, elle constitue notre hybridation première. Un livre, de plomb ou de papier, c’est déjà une annexe de notre cerveau, une prothèse cérébrale, un hors-de-soi que nous acceptons de partager, et qui en retour nous transforme. En passant de la tradition orale à la tradition écrite, nous avons consacré cet objet comme réceptacle et comme don de nos savoirs, de nos sentiments, de nos identités. Il se pourrait bien que cette hybridation, l’écriture, porte en elle toutes les autres. Il se pourrait bien qu’elle en soit la propédeutique.
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L’écriture et la lecture comme modèles primordiaux d’hybridation

Voilà l’hypothèse centrale du présent essai : nous n’avons pas attendu les interfaces cerveau-machine pour nous hybrider, le livre, cet objet associant écriture et lecture, constitue la grande hybridation de l’humanité. Les nouvelles technologies sont, pour ainsi dire, un nouveau chapitre de cette aventure initiée il y a 5 000 ans.

Du reste, en amont de l’effet Google, nous aurions pu nous interroger sur le concept d’hypertexte, et arriver à la même conclusion d’une hybridation première par l’écriture et la lecture. Le terme hypertexte a été inventé en 1965 par le sociologue Ted Nelson :

« Permettez-moi d’introduire le mot “Hypertexte” pour désigner un ensemble de documents écrits ou iconographiques interconnectés d’une manière si complexe qu’ils ne pourraient pas être présentés ou représentés sur papier. »
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C'est d'ailleurs lorsqu'il devient plus difficile de parcourir le monde, que la lecture permet tous les voyages. J'ai évoqué le terme de psychonaute inventé par le flower power pour décrire le trip, le voyage donc, des psychédéliques. Mais tout lecteur est un psychonaute. Par la magie des mots, le voici dans la province de La Mancha en 1605 dans le bourg de Yonville au milieu du XIX° siècle, ou dans le bureau d'un président russe qu'aujourd'hui plus personne ne parvient à comprendre. Il voyage dans toutes les époques, aux quatre coins de l'univers, il voit, entend, touche, goûte, sent, et ressent jusqu'aux plaisirs de la chair le temps de la lecture, et au-delà.
Plus encore que les lieux, ce sont les femmes et les hommes que l'on visite en lisant. Les universitaires et les critiques littéraires nomment illusion référentielle cette propension à considérer qu'une fiction renvoie à un hors-texte, un monde bien réel. Le lecteur sait bien que ce qu'il lit est le fruit de l'imagination du romancier, mais le temps de sa lecture, il réagit au récit comme si les événements étaient bien survenus. Ce phénomène contribue à donner vie à ces êtres de papier que sont les personnages, pour lesquels nous éprouvons les émotions les plus diverses, dont nous empruntons l'identité pour mieux en comprendre le dessein, et qui sont autant de compagnons imaginaires. Ce qui m'importe ici n'est pas la théorie littéraire, en opposant lecture naive et lecture savante, c'est l'efficacité de ce processus - du reste, il en est de l'illusion référentielle comme de ces tours de magie dont connaître le truc n'abolit pas l'illusion. Ce que nous éduquons ainsi, c'est notre empathie, cette faculté de nous représenter les émotions d'autrui tout en restant conscients de la source de cette expérience. Il ne s'agit pas d'une simple résonance émotionnelle - pour laquelle le terme sympathie, au sens étymologique, serait plus adapté -, la capacité d'aller et venir entre autrui et soi étant décisive, permettant tout à la fois de provoquer cette résonance et de s'en distancier. Du : "je suis l'autre" de Nerval au "Je est un autre" de Rimbaud, et à l'aspiration à "s'autruifier" chez Pessoa, il s'agit d'incarner d'autres que soi, et d'hybrider avec ces personnalités en revêtant leurs habits, leurs amours et leurs failles.
Un enfant fait ainsi grandir et mûrir la palette de ses émotions.
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La "frustration relative" est elle aussi dévastatrice : elle transforme chacun en voyeur, à la fois aussi dévoré par l'envie face à l'opulence dans laquelle s'affiche telle ou telle célébrité, voire lointaine connaissance, et frustré par le fait que même avec la toute dernière version de téléphone ou de tablette, il n'a qu'un écran en main, et ne peut décidément se rafraîchir dans I'eau turquoise de ce lagon ou s'alanguir sur le moelleux de la banquette de cette berline de luxe qu'il admire sur Instagram. La connexion à des centaines sinon des milliers d'amis sur un réseau social rend d'autant plus vulnérable à leur jugement que cette prétendue amitié ferait se retourner Cicéron dans sa tombe et dans sa toge : dépourvue de toute chaleur, filtrée par les algorithmes pour battre au pouls des likes et commentaires d'autant plus impersonnels qu'ils sont laissés sur un mur, elle ne résulte plus d'une rencontre avec l'altérité ni de l'effort réciproque pour bâtir des liens à l'épreuve des vicissitudes. Le débat démocratique est compromis par les effets de bulle inhérents aux réseaux sociaux: on n'y fréquente que les personnes ayant à peu près les mêmes idées de sorte que les croyances les plus troubles s'en trouvent confortées. De débat, il n'en est d'ailleurs point, car il est confisqué par quelques-uns : aux États-Unis, 25 % des utilisateurs de Twitter génèrent 97% des messages, ce qui transposé en France signifie que 3 millions de personnes, soit 4,5% de la population française, pretendaient définir l'actualité d'une nation. L'ensemble prend des allures de gigantesque défouloir, l'anonymat exacerbant la violence des propos, sous forme de "shit storms" pouvant broyer la réputation d'une femme ou d'un homme, en simplifiant à outrance tout propos, pourvu qu'il permette à son commentateur de se donner l'illusion d'être un gladiateur, sans jamais descendre dans l'arène, sans combattre les lions ou ses semblables au risque de sa vie, sans avoir à gagner sa liberté par le sang versé.
Ainsi l'homo sapiens connecté semble t-il avoir le souffle et le neurone courts quand il s'agit de penser, le cœur gros de ressentiment quand il observe ses congénères, et les doigts chargés de fiel et d'acide quand il tapote sur son clavier.
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Raphaël Gaillard vous présente son ouvrage "L'homme augmenté : futurs de nos cerveaux" aux éditions Grasset. Entretien avec Marion Bourbon.
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