A partir du 2 novembre 1917, date de la publication de la déclaration Balfour, soit plus de quatre ans avant que le mandat sur la Palestine soit accordé, la Grande-Bretagne s'engage pleinement à instaurer un « foyer national » juif en Palestine – quel que soit le sens précis donné à ce terme. En pratique, il recouvre des notions très variables selon les fonctionnaires britanniques et les époques, tandis que, pour la plupart des sionistes, indépendamment de leurs déclarations publiques, le but ultime a toujours consisté à établir un État juif sur l'ensemble de la Palestine. Tout ce temps, il est également clair que les gouvernements britanniques successifs ne sont tout simplement pas prêts à approuver la moindre évolution vers l'autodétermination palestinienne, ou vers le principe connexe de gouvernement représentatif, susceptible de permettre à l'immense majorité arabe du pays d'entraver significativement le projet sioniste. Ils ont pris l'engagement de rester ferme sur cette position au moins jusqu'à ce que l'immigration engendre une majorité juive, sachant que, à ce stade, la question n'aura plus lieu d'être et la démocratie pourrait peut-être être admise.
Cette stratégie britannique repose sur un raisonnement très étoffé et implicitement raciste, certainement à l’œuvre pendant la première partie du mandat et peut-être jusqu'à la fin, à savoir que les juifs sont un peuple important, tandis que les Arabes de Palestine ne comptent pas – ils ne sont même pas considérés comme un peuple à part entière. Le ministre des Affaires étrangères Balfour l'exprime sans détours dans une note de service confidentielle de 1919, d'une franchise accablante et qui mérite d'être mieux connue : « Le sionisme, qu'il soit juste ou erroné, qu'il soit bon ou mauvais, s'enracine dans des traditions immémoriales, dans des nécessités du moment, dans des espoirs futurs bien plus importants que les désirs et les préjugés de sept cent mille Arabes qui occupent à présent cette terre historique. » Notons que, aux yeux de Balfour, cette terre « historique » de Palestine n'appartient pas aux Arabes qui composent la majorité de sa population : ces gens se trouvent simplement à ce moment-là dans ce pays, mais ils sont dépourvus de « traditions », « de nécessités » ou « d'espoirs » aussi nobles que ceux des juifs et ne sont au contraire animés que de « désirs et […] de préjugés » beaucoup plus vils. Et surtout, ils ne forment pas un peuple.
La triste vérité est que, si inouïs que puissent paraître les attentats du 11 septembre, ils ne sont en fait qu'une réfraction, déformée au fil des ans jusqu'à en être méconnaissable, de politiques et de pratiques émanant de Washington, le retour de bâton, dont l'atrocité dépasse tout ce qu'on aurait pu imaginer, d'opérations secrètes ayant tourné à la catastrophe.