A midi pile, le sifflet strident de la machine prévient de l'arrêt. Dans la minute, la batteuse a été débrayée et tous les hommes, secouant énergiquement leur coiffe et se battant les côtes pour faire tomber la poussière, se dirigent vers les baquets d'eau.
La gifle violent et soudain la jeta presque à bas du tabouret. Aussitôt, ses yeux s'emplirent de larmes et son oreille abasourdie se mit ,à siffler bizarrement, tandis que sa joue devenait brûlante. Ahurie, elle regarda le petit homme qui, à peine entré dans la pièce, venait de la frapper ainsi. Elle remarqua d'abord la cravate d'un vert agressif qui éclaboussait le plastron de la chemise blanche au col un peu élimé, puis ses yeux remontèrent et accrochèrent un regard froid qui la fixait sans aménité, mais intensément. L'homme contourna le bureau et, faisant pivoter son fauteuil, s'y affala lourdement. Déjà, l'autre, celui qui la harcelait de question depuis le matin, enfilait sa veste et décrochait son chapeau d'une patère fixée au mur.
- Bon, je te la laisse, je vais bouffer, tu peux recommencer depuis le début, j'en ai rien tiré.
-D'accord, on repart à zéro, à toute à l'heure.
La porte claqua, des pas rapides dégringolèrent l'escalier, et ce fut le silence.