Raymond Tallis

La grande aventure intellectuelle du XXIième siècle sera de développer une vue plus vraie, et plus complète, de ce que nous sommes.

(p.65)

Douzième de quatorze enfants, dont seuls cinq vécurent, ce compositeur romantique était physiquement peu attrayant: on le décrit comme un nain myope et maigrichon. "Le Petit Champignon", fut déclaré "totalement inapte" au service militaire . Ces amours furent tous à sens unique et cela ne le rendit pas mysogine. Il dut gagner sa vie comme il put mais ne devint pas aigri. S'il connut une reconnaissance certaine dans son entourage immédiat, et même au-delà, nous étions loin du compte. La plus grande partie de ses oeuvres ne fut pas jouée de son vivant, et il ne put jamais être sur qu'une oeuvre soit acceptée par le commanditaire.

(p.47)


La réalité est qu'aucune explication ne peut approcher la singularité de l'homme qui produisit cette oeuvre superbe, réconciliant sans effort l'émotion profonde et la virtuosité technique, : chez lui, elles sont aussi inséparables que le recto et le verso d'une feuille. Toute explication, pour être crédible, doit faire appel à des généralisations, et il n'y a rien de "général " chez Schubert.

(p.49)

Les hallucinations nous rappellent que ce que nous prenons pour la réalité est peu déterminé par les expériences sensorielles sur lesquels nous nous basons. La relation entre nos perceptions, les objets que nous percevons et ce que tous disent être la réalité extérieure à nous- mêmes demeure une profonde énigme.

(p.236)

En appeler au traumatisme de l'enfance pour expliquer le génie artistique ne résiste pas à l'observation de ce que le traumatisme soit malheureusement commun et le génie fort rare. Sans doute la joie de la création aide-t-elle les artistes à assumer leurs personalités et leurs mondes, mais leur art ne nous touche que parce qu'il transcende ce qui les anime. Ils addressent, ou soignent, la blessure universelle de la condition humaine, qui vient d'être né sans raison suffisante dans un monde parfois hostile et de devoir mourir au terme d'une vie imparfaitement justifiée.

(p.48)

Ainsi que je l'ai indiqué au chapitre 8 , beaucoup de physiciens méprisent le genre d'argument que je viens d'utiliser ainsi que les philosophes qui veulent interpreter autrement que de façon purement mathématique ce que la physique nous dit de la nature des choses. Il est important de rester calme, et de noter que les physiciens qui rejettent la philosophie n'en philosophent pas moins. Ils le font seulement très mal.

(p.174)

Ainsi, quand Alan Johnson, un des politiciens les plus sages de la décennie écoulée (et ministre de la Santé) apprit que le professeur David Nutt, son conseiller dans la lutte contre la drogue , avait lâché une ou deux vérités - par exemple que l'industrie du tabac causait plus de dommages que le cannabis, l'ecstasy et le LSD réunis, sans même avoir besoin pour ce faire de l'assistance de gangs maffieux - il le vira. Le professeur n'en était pas à son coup d'essai. Il avait agacé Jacqui Smith, le prédecesseur de Johnson, en sortant une autre vérité : l'équitation tue plus de personnes ( une centaine par an) que la consommation d'ecstasy ( une trentaine).

(p.246)

L'activité neuronale est une cause nécessaire, mais non une cause suffisante, à la cognition.

( p. 94, traduction libre).

Supposons que nous acceptions le biologisme pur et dur : nos esprits sont nos cerveaux , et nos cerveaux ont évolué, par sélection naturelle, afin de maximiser la reproduction de nos gènes, dont notre cerveau est un outil. Il nous faudrait alors abandonner la notion de liberté individuelle, et par conséquent, celle de responsabilité.

( p. 51, traduction libre).

Des aspects fondamentaux de notre expérience humaine, tels que l'intentionalité, l'union de nos expériences en un moment conscient, la mémoire, la conscience d'un moi qui perdure et les narratifs qui nous permettent de faire sens: tout ceci élude une explication neurologique pure.

( p. XII, traduction libre)