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Citation de marie-ded


… Laver les verres et les tasses, debout derrière le comptoir, en regardant les femmes traverser la place, voilà mon plaisir. Les voir surgir des ruelles et s'avancer en toute saison, élégantes, sûres d'elles et parfumées pendant que l'eau chaude ruisselle sur mes mains. C'est comme si je glissais mes doigts sous leurs pulls de coton, mes doigts tendus vers leurs beaux seins pointus.
Sans qu'elles le sachent j'ai caressé tous les seins de la ville en faisant la plonge. Chaque fois que je prends une tasse je caresse un sein.
Je connais les horaires de chacune d'elles. La pharmacienne s'avance la première, apparaissent presque aussitôt les employées de mairie, celle de l'état civil et celle des cartes grises, puis la libraire et la retoucheuse du Jardin des robes. Les coiffeuses arrivent avant moi, je le regrette, elles sont plus troublantes les unes que les autres avec leurs cheveux rouges, blond doré ou noir corbeau. Je me fais couper les miens une fois par semaine. Pendant le shampooing je ferme les yeux.
Notre place est un petit théâtre à l'italienne, conçue pour les rencontres et l'amour comme d'autres sont faites pour vendre des légumes ou faire pisser les chiens.
Je ne finis jamais la vaisselle le soir, la ville m'appartient dès que le soleil touche le premier clocher.
Début mai, cela fera un an que nous avons ouvert Le Petit Farci avec Tony. Il aurait aimé quelque chose de plus classe comme enseigne, Côté place par exemple, ou La Belle Époque. Un restaurant distingué avec des nappes blanches, de la musique discrète et un petit bouquet de fleurs fraîches sur chaque table.
C'est le meilleur cuisinier de la ville, moi je n'étais pas du métier. Je les ai tous faits. J'ai trouvé le nom, il les réussit comme personne les petits farcis, les aubergines à la parmesane aussi.
Chaque matin je fais l'ouverture. Je n'allume que le comptoir. Je me fais un café dans un verre et je mets les Gipsy Kings. Toutes les chaises sont encore perchées sur les tables. J'aime rester seul un moment dans cette salle vide et propre qui sent le café, en écoutant Gitano Soy, Madré Mia ou Tu Quieres Volver.
C'est l'heure où les pies désertent les platanes qui protègent leurs nuits et foncent en smoking vers les collines. Ma première gorgée de café je la bois avec les Gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
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