Mon père cachait en lui…
Mon père cachait en lui
l’indien sauvage
Longtemps il a marché hors sentier
Dans sa chair de vieux
après des années de nuits blanches
il a repris ses rides d’homme des bois
Mon père a sorti de lui
ses jours de chasse
ses longues nuits en cabane
le sourire des enfants
qui mâchaient la gomme des sapins
Mon père s’est endormi
en rêvant qu’il n’avait pas triché
//Jean Sioui (1948 -)
Je te veux vivant
Extrait 3
En silence le rêve tisse ses filets,
Les illusions de déserts féconds.
Je me glisse sur ses ailes.
Les enfants iront propager ton nom
Aux quatre coins cardinaux,
Proclameront ta victoire sur le ciel.
Ton visage sur la toile de la nuit,
Mes seins dans tes mains
Te retiennent dans l’orbe de leur douceur.
Je ne veux pas que tu pleures.
Je ne veux pas de tes larmes.
Je sais.
On me dira de pierre dure,
D’offense à celui qui part.
Je ne prétendrai pas au courage,
Ni à la fidélité de celle qui aime.
//Virginia Pésémapéo - Bordeleau (1951 -)
Il s’appellera la mer
Il avait le nom
de la mer
du vent
Le vieux pêcheur me l’a donné
de ses mains vieillies
Il s’appellera la mer qui suit le vent
et quand le printemps se jettera sur nous
il sera un Innu
il marchera le chemin de ses ancêtres
je lui offrirai une île
j’attends l’aube pour chanter sa naissance
je prie pour qu’il grandisse paisiblement
dans le ventre de sa jeune maman
son papa est mon fils
hier Grand Homme souriait ses rêves
aujourd’hui il veut être libre
Le vieux pêcheur
Mistapéo, l’âme de la Tierra, l'âme de la Terre
Extrait 3
Il y a un feu sacré
qui crépite sur les morceaux de lumière
je l’entends car le gardien du feu
me raconte sa vie
Il y a un son dans le mot bruit
un peu comme l’absence du silence
quand le temps est venu pour nous
d’entendre notre propre silence
mes yeux entendent la lumière
qui arrive naturellement sur mes mains
je suis assise avec mon esprit
seulement pour écouter
j’entends une voix autour de moi
et je touche le vent
ce grand vent animé par les ailes du printemps
il ramène les outardes chez moi
nous ferons du bruit en silence
nos hommes guetteront leur arrivée
nous mangerons en riant
nous pleurerons de joie
Et que le Grand Esprit vous protège !
//Rita Mestokosho (1966 -)
Mistapéo, l’âme de la Tierra, l'âme de la Terre
Extrait 2
natuta neme ninakamum
entends entends les bruits
je suis comme l’arbre au printemps
que le vent assaille avec douceur
je m’accote contre la mer
elle est froide là d’où je viens
j’aime penser qu’elle voyage
tu m’appelles eau
mais je suis rivière
tu m’appelles arbre
mais je suis forêt
l’eau faut un bruit puissant
qu’elle soit salée ou douce
l’arbre pousse en silence
mais tu l’entends quand
le vent souffle sur lui
…
//Rita Mestokosho (1966 -)
Je te veux vivant
Extrait 2
N’oublie pas ces femmes voilées de plumes,
Postées au long de ta route,
Qui n’ont pas vu ton visage.
Le duvet de leur peau qui réclame tes mains
Et leurs lèvres, ta bouche.
Tu me crois la dernière,
Celle qui ferme la marche.
Mais ne vois-tu pas leur multitude,
Tremblantes sur le quai de l’attente,
Debout dans le noir de leur mystère.
Elles préparent le lit,
Brodent leur cœur de rouge,
Leur haleine de fraises sauvages,
Satinent leurs cuisses de velours
Et parfument leur espérance.
Tu es cet homme qui aime,
Tu ne peux pas renoncer,
Rebrousser chemin,
Dire ta fatigue du pèlerin
Ou ta soif de la fin du voyage.
Je te mentirai jusqu’au bout,
Sèmerai des tentations sous tes semelles,
Des doutes à la mort qui guette,
Détournerai son attention
En lui bandant les yeux.
//Virginia Pésémapéo - Bordeleau (1951 -)
Mistapéo, l’âme de la Tierra, l'âme de la Terre
Extrait 1
Ninakamum tshetshi petuikan
je chante pour que tu m’entendes
voilà ce que mon Mistapéo te dit
Je marche sur la pointe des arbres
pour que tu me voies
je vole seulement quand je dors
le ciel est d’un bleu violet
ma voix n’est pas la mienne
elle est faite du grand mystère
…
//Rita Mestokosho (1966 -)
Je te veux vivant
Extrait 1
Ces mots arrachés à pleine pages,
Déracinés de leur boue,
Ils portent mon mal et ma peur
Qui rampent sur ta vie,
Sur la mienne.
Nous n’aurons pas ce temps des amours
Qui veillent auprès des flammes,
Qui jettent les branches sur le feu,
Afin que le froid se dérobe.
Il y a déjà ce seuil familier,
Emprunté par mon père,
Attendu par ma sœur,
Espéré par ma mère,
Imprévu pour mon frère,
Déchirure pour mon fils.
Leur âme me percute
Au cœur de mes nuits,
Me touche de leurs sortilèges,
Me fait des signes de connivence.
Vers quoi se tournera mon regard mouillé ?
Que ferai-je de mes doigts sensibles à ta soie ?
Tu me dis que les douleurs se muselleront
Aux étés revenus,
Au soleil des hommes qui m’aimeront.
//Virginia Pésémapéo - Bordeleau (1951 -)
Tu ne sais pas ton âge
Tu ne sais pas ton âge
Tu me dis : « je reçois l’argent des vieux »
Je sais que tu es sage
Ton regard semble lointain
Dans ta tête, tes souvenirs surgissent
Tu revois ton territoire
Tes rêves ne sont plus les mêmes
Pourtant l’Esprit des animaux t’invite
Là où tes pas légers ne se fatiguent pas
Ta marche te conduit toujours
Sur une terre dénudée
Patient, tu attends Papakassik
Convaincu que le caribou viendra
//Joséphine Bacon (1947 -)