La Ballade du Poète de dimanche
Je suis un poète de dimanche
J'ai à ma veste une manche
Rose et une autre indigo.
J'écris des poèmes d'un mot
En avril, que j'efface en mai
Puis je me tais le reste de l'année.
J'aime les oranges mais j'apprécie
Les seins aussi. Je suis épris
D'une femme qui en a trois.
Elle s'en sert quelquefois
Pour astiquer les meubles d'art,
L'argenterie et le vieux samovar
Qui finit par briller tellement
Que le goût du thé s'en ressent.
Puis elle se met à leur enseigner
Les diverses langues du sucrier.
Parfois, pourtant je suis triste,
À croire que je n'existe
Même pas. Je crève des poissons,
Des pissenlits et des ballons
Tantôt avec des aiguilles à tricoter
Tantôt avec des cabriolets.
Et je me soule à la rosée du petit matin
En compagnie des séraphins.
(poème d'Emil Brumaru, traduit du roumain par Virgil Tanase, p. 51-52)