Le vent s'était levé, rapprochait nos
visages, remuant la poussière qui retombait
sur nos lèvres.
«Les mots sont la poussière du temps. »
murmurait mon frère.
«Chaque grain de poussière contient le
temps tout entier. » chuchotait ma sœur.
«En naissant, nous tombons dans le
langage, qui n'est qu'un remords du grand
silence. » marmonnait ma mère.
«Mon père s'était retiré dans le silence
des hypallages.
Le langage est l'ombre du temps,
aurais-je pu dire, certain que mon frère
eût répondu que le langage est le temps
lui-même, que celui-ci n'existe donc pas,
et que nous sommes tous faits de
langue, solécismes, barbarismes, oxymores,
corps incertains appelés à être soufflés
par le Verbe.
p.28-29