Richard Rhodes

"The Making of the Atomic Bomb" qui a gagné tous les grand prix américains l'année de sa sortie mérite bien ses cinq étoiles. Le livre sera difficile sinon impossible à lire pour le lecteur qui n'a pas étudié la physique au niveau collégiale. Pour le lecteur qui a suivi un cours de physique au niveau universitaire, il sera une joie extraordinaire à lire.

"The Making of the Atomic Bomb" poursuit plusieurs pistes. D'abord il présente l'histoire de la mécanique quantique de ses débuts jusqu'à la veille de la deuxième grande mondiale. Il décrit les découvertes d'Einstein, de Rutherford, de Bohr, du clan Joliot-Curie, de Schrödinger, d'Heisenberg, etc. pendant la première moitié du vingtième siècle. Ensuite il raconte l'histoire du Manhattan Project du gouvernement américain ou une deuxième génération de physiciens (Robert Oppenheimer, Enrico Ferme, Isidor Rabi, etc.) a fabrique une bombe atomique qui ont livré à l'air force américaine qui l'a laissé tombé sur Hiroshima. Rhodes discute aussi le contexte politique et la discussion entre les politiciens sur la question de déployer ou non la bombe atomique. Sa description de la culture de la communauté scientifique et ses petites biographies des grands scientifiques sont superbes.

La plus grand force de livre est la façon complète et rigoureuse dont Rhodes décrit chaque étape et les défis que l'on a du surmonté. Il n'y a rien de très surprenant dans les conclusions de Rhodes. Un des objectifs de la décision de lancer la bombe a été prévenir des pertes de vies de militaires américaines dans le cas d'un invasion conventionnelle du Japon. Ce qui était peut-être plus important était le désir de justifier à l'électorat américain la dépense énorme ($2 milliards) occasionnée par la fabrication de la bombe.

Rhodes parle longuement, trop à mon avis, sur les souffrances des gens de Hiroshima qui ont survécus à l'explosion. Pourtant, sa plus grande reproche aux Américains est pour la décision de ne pas donner un préavis au Russes avant de lancer la bombe. Aux yeux de Rhodes, c'est cette décision qui a déclenché la course aux armements qui a suivi la fin de la deuxième grande mondiale. Une opportunité d'inaugurer une ère de coopération internationale pour le maintien de la paix a été ainsi raté. Cette thèse de Rhodes qui est peu probable à mon avis est basée sur le fait que le grand physicien Nils Bohr a plaidé à plusieurs reprises avec le gouvernement américain de ne pas garder les Russes dans le noir mais de les consulter avant de faire un premier déploiement d'une bombe atomique.

"The Making of the Atomic Bomb" est un très grand livre sur un sujet qui demeure très important. C'est regrettable qu'une traduction française n'existe pas.

J ai eu un mal fou pour l'avoir, indisponible en librairie ni en occasion.. Ce n'est pas un livre romantique, âme sensible s'abstenir. Il décrit avec minutie la création, le déploiement et le rôle derrière l armée allemande régulière : détruire les juifs, les communistes. Ce qu'ils ont réussi à faire mais de quelle façon, ignoble. Quand l'homme civilisé devient une bête.

Un ouvrage important et bien documenté, traitant d'un sujet trop souvent délaissé par les historiens alors qu'il est la raison pour laquelle le régime national-socialiste a bâti les camps d'extermination.



[Lu en V.O. (sous le titre "Masters of Death: the SS-Einsatzgruppen and the Invention of the Holocaust"), je ne peux juger de la qualité de la traduction française]



L'ouvrage de Richard Rhodes est assurément un très bon ouvrage d'histoire sur un des aspects les moins connus du grand public concernant l'Holocauste. Avant les camps d'extermination, avant la Conférence de Wannsee, l'extermination avait déjà commencé, et ce dès le déclenchement de l'opération Barbarossa. Dès la fin juin 1941, des unités spéciales, les Einsatzgruppen, étaient chargés de détruire les populations juives résidant sur les territoires conquis sur l'URSS.



Cette extermination, dont la plupart des gens ne connaissent rien, est pourtant paradoxalement très bien documentée grâce à la saisie en 1945 de la quasi totalité des rapports d'activité des quatre unités "Einsatz" (il n'en manque qu'un sur 195).



Les faits rapportés par Richard Rhodes sont édifiants et témoignent de l'idiotie du Négationnisme pur et dur: la volonté d'exterminer les juifs, ainsi qu'un début d'exécution d'un plan à grande échelle, sont indéniables dès juin 1941. Les rapports cumulent, sur environ un an, environ 1 250 000 juifs exécutés, auxquels s'ajoutent 750 000 civils et prisonniers de guerre. Les témoignages de militaires comme de survivants (authentifiés et corroborés pour la plupart) rapportés par Rhodes au fil de son ouvrage ne rendent que difficilement compte de ce que cette extermination a pu être.



Au-delà des faits, Rhodes cherche à expliquer la psychologie des SS en relevant au fil de son travail les difficultés psychologiques et l'endurcissement de ces exécuteurs, montrant comment d'hommes relativement "normaux", ils sont devenus des tueurs sadiques et malfaisants. Sans pathos et sans jugement de valeur, Rhodes réalise ici un plutôt bon travail de recherche, bâti sur les travaux de Lonnie Athens sur la "socialisation violente" et appliqué ici à Hitler, Himmler et aux Einsatzgruppen eux-mêmes.

Les transformations psychologiques de ces hommes sont d'ailleurs explorées en parallèle, en particulier entre Himmler et les Einsatzgruppen. Himmler est d'ailleurs longuement présenté au cours de deux chapitres, tant il est incontournable de présenter cet homme quand on parle de l'action criminelle de la SS et des Einsatzgruppen en particulier.



Deux petits regrets sur cet ouvrage, très bon par ailleurs: écrit par un journaliste et non un historien, on ressent fortement certains partis-pris et une tendance au "cherry-picking", la présentation de sources concordant avec les thèses de l'auteur (notamment sur son interprétation de l'évolution psychologique des SS), sans forcément les questionner ou chercher ce qui invaliderait l'hypothèse. On a donc une généralisation à partir d'exemples personnels qui ne reflètent peut être pas la complexité et la diversité de ces hommes, et on aboutit à une présentation globalement monolithique des Einsatzgruppen, pris comme un tout.

Le deuxième regret que j'ai découle lui aussi du fait que Rhodes est un journaliste spécialisé dans la recherche historique plutôt qu'un historien à proprement parler: il n'hésite pas à porter des jugements de valeur sur son sujet (en particulier sur Heydrich et Himmler), particulièrement à la fin de son ouvrage. Si les qualificatifs dégradants qu'il emploie concernant Himmler sont à propos, ils sont en rupture avec le sérieux avec lequel il avait traité jusque là le sujet des massacres de populations commis sur le front de l'est par les 4 groupes "Einsatz", et c'est plutôt dommage car cela donne l'image d'un réel défoulement de l'auteur à la fin de son étude.