Avis sur la porte de la librairie
Que les délicats s'abstiennent de lire ce livre,
surtout les héros de la grossièreté domestique,
les nymphes viriles, les vestales de la pureté,
ceux qui avancent à petits-pas et à cloche-pied,
tenant leurs chastes mains l'une devant, l'autre derrière,
tandis que de la troisième ils empêchent de parler
ceux qui marchent sur leurs deux pieds sans avoir peur
des mots.
Et que l'évite celui qui ne connaît rien à l'amour,
quel qu'il soit : de l'amour charnel à celui
qui n'aspire qu'à lui-même, n'aspirant point
à une vile récompense, mais élevé et quasi éternel.
C'est d'amour et de poésie et d'avoir une patrie
qu'il est question ici : interdiction à la canaille de franchir
ce seuil sacré, gare à elle si elle ose
remplir de rats cet espace libre
où l'on se meurt avec une dignité humaine
de la douleur d'être né au Portugal
sans rien pouvoir faire que le porter tout au fond de son coeur.
Jorge de Sena