Fasciné par le flux et le reflux de la mer en furie, il se mesure avec elle, et ce sont de nouveaux chefs-d'oeuvre qui s'accumulent sur la toile grâce à la vigueur de sa main, à la souplesse de son couteau à peindre, grâce aussi à sa robuste santé qui lui permet d'affronter les éléments sans risque grave. Personne avant lui n'avait osé peindre ce qu'il a peint; il a ouvert une nouvelle voie à la création artistique, et les impressionnistes suivront avec enthousiasme le chemin qu'il a tracé, mais sans atteindre jamais à sa fougue toute-puissante. N'est pas Courbet qui veut...
Dans une lettre écrite à la fin de 1872 ou au début de 1873 (cf. catalogue vente Coll. Alfred Dupont — Autographes, 3e partie, 3 et 4 décembre 1958), Courbet donne le chiffre de 1200 tableaux exécutés par lui jusqu'à cette époque. En 1869, s'adressant à Bruyas, il avait déjà avancé le chiffre de 1000; il n'est sans doute pas présomptueux de limiter à 1500 maximum le chiffre de sa production, y compris les tableaux portant sa signature authentique mais exécutés en collaboration avec ses élèves de 1872 à 1877, date de sa mort.
Pour permettre une connaissance approfondie de la vie et de l'oeuvre de Courbet, nous avons choisi d'en limiter l'étude par périodes de cinq années, exception faite — naturellement — pour celles qui le virent naître à Ornans, y commencer ses études, les poursuivre et arriver à Paris.
Sa famille voulait qu'il fût avocat; il avait choisi d'être peintre, et cette ambition lui a permis d'atteindre la renommée mondiale. Nous le regarderons donc vivre avant d'aborder l'étude de son oeuvre peint, dessiné et sculpté.
Le beau est dans la nature et se rencontre dans la réalité sous les formes les plus diverses. Dès qu'on l'y trouve, il appartient à l'art, ou plutôt à l'artiste qui sait l'y voir. Dès que le beau est réel et visible, il a en lui-même son expression artistique. Mais l'artiste n'a pas le droit d'amplifier cette expression. Il ne peut y toucher qu'en risquant de la dénaturer, et par suite de l'affaiblir. Le beau donné par la nature est supérieur à toutes les conventions de l'artiste...
« Je tiens que la peinture est un art essentiellement concret et ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes. C'est une langue toute physique, qui se compose, pour mots, de tous les objets visibles. Un objet abstrait, non visible, non existant, n'est pas du domaine de la peinture.»
L'imagination dans l'art consiste à savoir trouver l'expression la plus complète d'une chose existante, mais jamais à supposer ou à créer cette chose même.
C'est au Salon de 1866 que figurent pour la première fois La Femme au Perroquet et la Remise de Chevreuils au Ruisseau de Plaisir-Fontaine (Doubs), ce dernier tableau commencé en 1864, en utilisant la toile qui avait pour titre La Source d'Hippocrène crevée par mégarde par Juliette. Ce sont deux chefs-d'oeuvre qui connurent aussitôt un succès considérable et rallièrent tous les suffrages. On reprocha même à Courbet de donner des gages à la critique pour attirer ses faveurs.