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Citation de Partemps


Je me suis depuis longtemps interroge, et toujours m' interroge, sur la
fortune du sonnet, me demandant encore aujourd'hui s'il ne concrétisait
pas l'espace maximum et la quantité maximale où pouvait sans absence
se concentrer l'attention. Je me surprends, écrivant cela, à penser que
les brefs poèmes d'Emily Dickinson tiendraient leur origine du même
constat, eux-mêmes étant des sonnets particulièrement concentrés. C'est
peut-être en obéissant à cette observation que peu à peu, soumis à la
flexion de la phrase, je me suis mis à recueillir au cours de mes marches,
écrivant ainsi avec les pieds, comptant ce qui m'était conté, l'impromptu
événement ; indifférent à toute hiérarchie, vérifiant de la sorte qu'il n'était
rien qui fût insignifiant, l'infinité des signes jamais n'épuisant, ou ne
comblant, ou n'expliquant le possible. Je constatais en même temps que
le sonnet était d'abord une grille vide de 68 (12X4) cases qu'il s'agissait de
remplir, mais de telle manière que l'artifice menât au naturel, employant ce
vocable dans le sens tauromachique, art dans lequel le pose natural, c'està-dire la naturelle, est la passe la plus belle, mais la plus difficile à réaliser
et à tenir à cause de sa simplicité même, passe que le torero droitier réalise
avec le poignet et la main gauches, passe qui est tout sauf spectaculaire,
mais d'où émane, quand elle est réussie, soit insensiblement reconduite en
sa lenteur, cette musique inaccessible que faute de mieux nous nommons
le silence silence habité s'il est, comme sont habitées les deux Solitudes
de Gongora. Me vient à l'esprit que les dizains de \a Délie sont eux aussi des
sonnets réduits à dessein pour que la mémoire s'exerce mieux, l'attention
ayant pu être mieux soutenue. Me vient encore à l'esprit qu'un danger qui
se présente réside en ce que le sonnet sonne trop. Ce serait, le cas chez José
Maria de Hérédia ; mais non pas dans celui, fameux, que Jodelle a consacré
à Diane chasseresse et qui pourtant est éminemment sonore : quelque
chose comme une fanfare de cors de chasse dans les baliveaux par un
soir de février. Je n'en dirais pas plus, parce que je boucle ainsi la boucle,
retrouvant par ce détour le petit écolier qui suivait à pied, avec son frère
et un camarade, dans la forêt nue et mauve, la chasse à courre, si jamais le
sort avait voulu qu'elle déroulât ses fastes en ce jour de congé qu'était alors
le jeudi.
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