AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Robert Turcan (5)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Tibère

Cette vie de Tibère récemment parue est un excellent ouvrage, dans les limites des biographies impériales classiques, consacrées au portrait d'un seul homme, à sa politique, à sa carrière et à ses intentions. Nous ne quittons guère les palais que pour les camps militaires de Germanie, et la masse des citoyens, des provinciaux, des sujets de l'Empire, n'est guère présente. Cependant la conclusion resitue l'action de cet homme seul dans la grande et angoissante mutation de la Cité antique en un Empire démesuré, première mondialisation à laquelle les institutions romaines de la vieille République ne permettaient pas de faire face. Le déséquilibre politique, la confusion croissante entre le pouvoir et la volonté d'un seul, sont les problèmes écrasants que Tibère a dû régler. Une vie d'homme n'y suffit pas, mais justifie une biographie.



Le livre de Robert Turcan, ne "réhabilite" pas Tibère à la façon d'un éloge partisan, mais propose de ce prince maltraité par la postérité une vue nuancée. L'auteur tient une balance égale entre les indispensables Tacite et Suétone, qui ont couvert Tibère de calomnies, et Velléius Paterculus, Flavius Josèphe, Sénèque et autres auteurs plus proches, chronologiquement, de lui. C'est nécessaire, car le retrait du prince à Capri (d'où il gouverne Rome et l'empire) et sa "dissimulation", éminente vertu politique, ont donné lieu à une floraison fantasmatique délirante qui se perpétue même de nos jours, comme on peut le voir dans la belle série anglaise "I Claudius," par exemple. Un personnage public ne revendique une vie privée qu'à ses dépens, et s'expose aux fantasmes et à la calomnie (la célèbre Marie-Antoinette en est aussi un bon exemple). Une enquête historique sérieuse nous change des romans à sensation qui se font passer pour de l'histoire.



Enfin, ce livre remarquablement bien écrit, sans faute ni vulgarité de langue, et toujours fondé sur des sources explicites, propose à mon goût deux très beaux passages : le premier est le récit de l'exil du jeune Tibère à Rhodes, exil studieux, savant et raffiné dans un des centres majeurs de la culture grecque ; le second concerne la dévotion astrologique des Anciens : trop souvent l'astrologie, synonyme de superstition, nous échappe dans sa dimension de contemplation de l'univers, du destin harmonieux régi par les astres - Robert Turcan nous fait découvrir "l'extase astrologique" des Anciens, cette piété mystique désintéressée devant l'ordre universel, ce cosmos, mot grec qui veut dire "harmonie". On pense aux essais de Pierre Hadot sur la philosophie antique.



Très beau livre.
Commenter  J’apprécie          140
L'Archéologie dans l'Antiquité : Tourisme, lucr..





L'Archéologie, une "invention de la curiosité moderne" ?



Que nenni : les Anciens pratiquaient déjà l'étude des mondes disparus et des reliques mortes qu'ils nous ont laissées, cherchant dans les secrets des ruines des évasions à leur crise de conscience (tant il est vrai que le spectacle d'un monde en mutation nous incite davantage à retrouver les signes d'une tradition qui nous aiderait à survivre). Leurs voyages culturels visaient à rencontrer des preuves matérielles pour leurs mythes fondateurs (s'extasiant ainsi face à la pierre que Kronos avait avalée à la place de Jupiter, le bouclier d'Agamemnon, le cadavre, conservé dans de la saumure, de la truie aux trente gorets qu'Enée sacrifia à Junon...), ou à remonter vers le passé pour célébrer, à travers les lieux, les hommes dignes de mémoire (jardins d'Epicure, place où Démosthène s'entraînait à vociférer, espaces de l'Académie, tombeau d'Acca Larentia, sépulcre de Virgile...).



Ces pieux pèlerinages vers une Histoire dévorée par la Nature excitaient la curiosité de touristes cultivés désireux de meubler par l'imagination leurs réminiscences littéraires et historiques, proies faciles des mystagogues ou lecteurs avides des guides topographiques/historiques/archéologiques que proposaient Pausanias, Polémon d'Ilion, Hérodote, Diodore de Sicile ou encore Denys d'Halicarnasse, auteurs qui, posant un oeil précis sur l'Antiquité dans toute sa matérialité, leur permettaient de partir à la Recherche du Temps Perdu et d'en apprécier la différence avec le temps présent.



Révélées par des séismes, les socs des laboureurs, des oracles ou des apparitions de fantômes, les ruines peuvent se faire la proie de détrousseurs de morts (Caligula n'hésita ainsi pas à ouvrir le tombeau d'Alexandre pour en essayer la cuirasse...), cherchant dans les souterrains les trésors enfouis, les cités perdues, les livres anciens et prestigieux qui leur permettraient d'atteindre fortune et gloire. Et si les richesses ainsi dévoilées pouvaient se laisser admirer dans des temples où l'on honorait moins les dieux que la perfection des statues de Praxitèle, des portiques transformés en musée à ciel ouvert, des thermes où l'on alliait souci de délassement et stimulation esthétique ou encore des collections privées ; si certains lieux mythiques furent inlassablement entretenus (maison de Romulus sur le Capitole et sur le Palatin), d'autres disparurent, piétinés par un christianisme rageur soucieux de transformer les idoles en petite monnaie, de récupérer les matériaux des monuments passés pour en construire de conformes à leur doxa, de sacrifier les bois sacrés à un urbanisme galopant.... ou de les transformer, lors des invasions barbares, en murs défensifs.



Disparaît alors une sensibilité particulière à ce que pouvaient être les hommes, qui ne surgira qu'au XVIIIe siècle, parfois entachée par une nouvelle dérive intellectuelle, celle de ne savoir percevoir la mémoire mouvante du passé et sa signification que par et dans l'actuel.



C'est un intéressant essai que livre là Robert Turcan : et si l'on peut lui reprocher, parfois, de s'éparpiller dans une foultitude de références (qui, quoique savoureuses, peuvent peut-être perdre quelqu'un qui maîtrise mal la littérature antique), il fournit une réflexion intéressante sur le rapport que les Romains et les Grecs entretenaient à leur patrimoine historique et mythique, leur goût pour les realia derrière les reliefs pittoresques, la valeur et le rôle de leurs émotions historiques ou mystico-épiques, et la naissance d'un vandalisme lucratif qui, bafouant le respect des vieilles pierres, mit à mort un certain bonheur à se projeter dans un siècle différent par la grâce de ruines évocatrices.



Je rajoute un "coeur" à ma note car, en plus de l'agréable méditation (sur mon propre rapport aux ruines) qu'il m'a offerte, Turcan cite régulièrement Stace, mon poète antique préféré...



Credetne uirum uentura propago,

cum segetes iterum, cum iam haec deserta uirebunt,

infra urbes populosque premi proauitaque tanto

rura abiisse mari?



Les siècles futurs pourront-ils croire, quand les moissons repousseront et qu'enfin reverdiront ces déserts, que des villes et des populations sont englouties sous leurs pieds et que les campagnes de leurs ancêtres ont disparu dans une mer incendiée ?



Silvae, IV, 4, v 81-83 (à propos de l'éruption du Vésuve)


Lien : http://www.delitteris.com/au..
Commenter  J’apprécie          70
Héliogabale et le sacre du soleil

Extrêmement bien documenté et rédigé sans parti pris, cet ouvrage nous conte l'avènement au poste de patron du monde d'un "sale gosse", syrien, adorateur d'un dieu unique, espiègle et pas méchant pour un sou, "folle à lier" qui a perdu le pouvoir non pas parce qu'il déplaisait à ceux qui n'étaient rien, le peuple, à qui il offrait du pain et des jeux mais parce qu'il s'est mis à dos ceux qui comptaient en voulant détruire de facto la croyance en plusieurs dieux et en nommant à de hautes charges ses onobèles préférés, autrement dit ceux dont le membre surdimensionné avait fait l'objet d'une traque dans tout l'empire. L'inventeur de la pénisocratie en somme. On se demande si finalement ce système ne serait pas plus mauvais qu'un autre. C'est peut-être pour cela que la damnatio memoriae à laquelle il fut condamné perdure aujourd'hui d'une certaine façon puisque son existence est tue dans les parcours scolaires voire universitaires.
Commenter  J’apprécie          30
Mithra et le Mithriacisme

Ouvrage très intéressant à propos d'un culte méconnu mais important dans l'empire romain, ses origines et ses relations avec le christianisme naissant. Très complet mais parfois un peu difficile d'accès si on ne connait pas le contexte de l'Iran antique.
Commenter  J’apprécie          30
Vivre à la cour des CésarsD'Auguste à Dioclétien (I..

Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Robert Turcan (53)Voir plus

Quiz Voir plus

le diable au corps

1. Quel âge a le narrateur au début de la guerre ?

12 ans
15 ans
8 ans
20 ans

9 questions
530 lecteurs ont répondu
Thème : Le Diable au corps de Raymond RadiguetCréer un quiz sur cet auteur

{* *}