C'est la grande sorcellerie de la vie maritime que de parer d'une poésie amère et irrésistible tout ce qui touche à ses décors infiniment renouvelé ...
Je constate que si j'avais pu croire abandonner la mer, celle-ci m'eût vite rattrapé ... La littérature m'offrait à profusion les moyens d'acquitter la dette ...
(Henri Quéffelec)
Le matelot ne sait où la mort le surprendra, à quel bord il laissera sa vie : peut-être, quand il aura mêlé au vent son dernier soupir, sera-t-il lancé au sein des flots, attachés sur deux avirons, pour continuer son voyage ; peut-être sera-t-il enterré dans un îlot désert que l'on ne retrouvera jamais, ainsi qu'il a dormi isolé dans son hamac, au milieu de l'océan ...
(Chateaubriand)
C'est en juillet 1930 que l'événement eut lieu pour la première fois.
Comme dans une illustration d'un conte fantastique de la mer, la ligne montagneuse des vagues n'était visible qu'à la lueur des éclairs mauves, de longs éclairs horizontaux qui suggéraient des monstrueuses fractures du ciel.
La nuit était tombée.
Une nuit malsaine aux ombres douteuses.
Un cargo argentin luttait contre la tempête.
Les hommes de quart étaient hypnotisés par le magnifique ballet lumineux que leur offrait l'orage.
Le vent sentait le sel, l'ozone et le soufre.
C'est alors que se produisit l'événement.
Ce fut très rapide, le temps de deux ou trois éclairs.
A bord du cargo, les hommes n'eurent pas d'abord de réaction.
Ils ne crièrent pas. Ils ne parlèrent pas.
Quand la vision se fut dissoute dans la nuit, ils se regardèrent et s'interrogèrent.....
- Une île droit devant !
Au cri poussé par le matelot de bossoir, les hommes de quart sursautèrent.
La nuit claire de ce mois de juillet 1890 enveloppait le "Fédération", trois mâts du port de Nantes, qui avait quitté Saigon pour les Philippines afin de charger du coprah.
- Il rêve, nous sommes à 250 milles de la côte, murmura le lieutenant qui saisit quand même sa longue vue.
- Bien entendu, ajouta-t-il, je ne vois rien.
Et il ordonna qu'on allât chercher le matelot du bossoir.....
Les succès des pirates n’étaient pas dus seulement au hasard et à la surprise. Ils disposaient d’un réseau d’espionnage qui les informait des mouvements des navires, de la route de ceux-ci, de l’intérêt que présentaient leurs cargaisons.
Tous les marins vous le diront. Malgré des années passées à affronter la mer, il leur est arrivé, au moins une fois, d'éprouver devant elle le malaise qu'on éprouve devant l'inconnu et le mystère.
"Il y a trois sortes d'hommes, a écrit le philosophe grec Anacharsis: Les vivants, les morts et les navigateurs."