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Citation de Lamifranz


MON ONCLE BENJAMIN


Mon oncle Benjamin, j’aurais pu en faire tout un roman mais Claude Tillier il a eu la même idée que moi et encore son oncle Benjamin à lui c’était rien en comparaison !
Mon oncle Benjamin, le père de Marco, y prenait au sérieux que les farces. Y se mettait par exemple dans un fauteuil et y lisait sans bouger un roman policier à l’envers, jusqu’à ce que quelqu’ un lui dise :
- Oh ! Benjamin ! Tu t’assoupis? Tu lis le roman policier à l’envers.
- C’est exprès ! Pour que l’énigme elle soit encore plus mystérieuse. Je trouve trop vite le coupable, moi !
Quand y jouait à la belote avec mon père, tonton Martin et tonton Joseph, y trichait rien que pour le plaisir de faire des calembours.
- Qu’est-ce que ti as comme chant, Benjamin ?
- Comme chant ? Les six reines.
Et y sortait six reines, et tonton Joseph qui gagnait, y jetait les cartes en colère, et tout le monde criait et le patron du café, y les mettait dehors car c’était un ami mais il en avait marre de ces quatre qui lui faisaient tous les jours carnaval.
Sa grande spécialité, à tonton Benjamin, c’était l’autocar pour les Deux-Moulins.
Ma tante Henriette et tonton Léon, c’étaient les premiers de la famille à s’acheter un cabanon aux Deux-Moulins.
Comme y avait quand même une petite trotte, on avait essayé au lieu du tram, de prendre l’autocar qui allait à la Madrague. Y passait juste devant mais y avait pas d’arrêt et le chauffeur y voulait rien sa’oir.
Un dimanche matin, on monte dans l’autocar, le receveur y crie comme d’habitude : « Premier arrêt, La Vigie ! »
Arrivés aux Deux-Moulins, tata Yvonne elle commençait à faire du charme au receveur pour qu’y nous laisse descendre, quand mon oncle Benjamin, tout d’un coup y fait « Aïe ! », y fait « Ouille ! », y se totille, y se plie en deux…
Tout le monde s’écarte et le receveur y s’approche, inquiet :
- Qu’est-ce que vous avez ? Un malaise ?
- Je suis blessé d’la guerre de 14, j’ai une incontinence d’urine que quand j’ai un besoin, j’peux pas attendre une minute, faut que j’descende !
L’autocar il était à hauteur du cabanon.
Le receveur y se dépêche de siffler, l’autocar y freine, tonton Benjamin descend et toute la famille, une vingtaine, on l’aide à descendre.
Comme l’autocar il est reparti tout de suite, le receveur qui criait, on n’a jamais su si c’était des insultes ou bon dimanche !
Une aute fois, dans l’autocar il s’était mis à parler tout seul…
- Y va être content mon fils ! De voir son vieux père depuis dix ans qu’il est parti de la Corrèze ! Je connais même pas ma belle-fille ! Vivement que cet autocar arrive à Maison-Carrée !
Naturellement, comme Maison-Carrée c’était tout à fait à l’opposé, y avait toujours un voyageur qui s’étonnait :
- Maison-Carrée ? Mais monsieur…
- C’est là qu’habite mon fils. Je ne l’ai pas vu depuis dix ans qu’il a quitté la Corrèze pour se fixer en Algérie. Il a épousé une fille de Blida.
- Mais monsieur, nous n’allons pas à Maison-Carrée !
- Je sais. A la place du Gouvernement, j’ai demandé, on m’a dit : « Prenez le car. Premier arrêt La Vigie, ensuite c’est Maison-Carrée. »
- On s’est moqué de vous.
- C’est vous qui plaisantez. Ce monsieur avait l’air si gentil.
- Je vous assure ! Tenez, nous allons demander. Dites, monsieur, c’est pas vrai que cet autocar ne va pas à Maison-Carrée ?
- Ah non ! on va pas à Maison-Carrée !
- Maison-Carrée c’est exactement le contraire !
- Nous on va par là alors que pour Maison-Carrée c’est par là qu’y faut aller.
- On vous a dit : Premier arrêt La Vigie et ensuite Maison-Carrée ?
- L’autre il a entendu « de la Corrèze », y s’est dit : je vais m’amuser.
- Y a des salauds, quand même !
- Je voudrais le voir dans la Corrèze, tiens, et qu’y tombe lui aussi sur un mauvais plaisant !
- Y faut qu’y descende ! et qu’y reparte dans l’autre sens ! Son fils va s’inquiéter !
- Receveur ! Ce monsieur vient de la Corrèze, on l’a fait monter dans cet autocar pour aller à Maison-Carrée.
- Premier arrêt, La Vigie !
- Ouais mais on va pas le faire aller jusqu’à La Vigie, y va à Maison-Carrée.
- Faites-le descendre, y reprendra un aute autocar.
- Il faut que vous descendiez, vous comprenez ?
- Je suis arrivé ?
- Non,vous allez descendre et prendre un aute autocar. Vous demanderez au receveur.
- Mais j’ai déjà demandé à la place du Gouvernement. Y m’a dit…
Mon oncle Martin et tata Yvonne y z’intervenaient :
- Nous allons descendre avec lui, on va l’aider.
- Vous z’en faites pas, monsieur, vous reverrez votre fils ! A Alger, y a pas que des mauvais plaisants !
Et comme tonton Benjamin avait tout bien calculé, l’autocar s’arrêtait juste devant le cabanon de tata Henriette, et toute la famille, on descendait avec lui.
Et le receveur, il ouvrait des yeux comme ça, de voir combien on était serviables, tous, pour les Corréziens égarés.

(Et alors… et oilà !)
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