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Citation de zenzibar


 Bonjour Petit Hans, me voilà de nouveau.

Je me sens tellement seule aujourd'hui, il faut que je me revigore un peu en bavardant avec vous. (...)
Là, j'allais bientôt vivre autre chose de beau: un rouge-gorge est venu se poser sur le mur, juste derrière moi, et m'a donné un petit concert. En ce moment, les oiseaux sont généralement occupés par leurs soucis familiaux, et on ne les entend que rarement, brièvement.

Et voilà qu'aujourd'hui donc, le rouge-gorge s'est mis à chanter, lui qui n'était venu me voir qu'une ou deux fois au début mai. Je ne sais pas si vous connaissez bien ce petit oiseau et son chant; moi-même, je n'ai vraiment fait sa connaissance - comme pour tant d'autres choses - qu'ici, et je l'aime infiniment plus que le rossignol tant vanté.

Les envolées éclatantes du rossignol me font trop penser à des airs de divas, elles évoquent trop un public, des triomphes grisants et des louanges pâmées. Le rouge-gorge lui, a une toute petite voix tendre, il chante une mélodie singulière, intime, qui sonne comme une ouverture, comme un début d'appel; vous souvenez-vous, dans la scène du cachot de « Fidélio », des trompettes de la délivrance qui sonnent au loin, et déchirent presque l'obscurité de la nuit ?

La chanson du rouge-gorge, c'est un peu ça, mais chantée tout bas, avec des trémolos d'une infinie douceur, si bien qu'on la dirait voilée, comme un souvenir perdu au fond des rêves. Quand j'entends cette petite chanson, mon cœur se tortille littéralement de délices et de peine, et aussitôt je vois ma vie et le monde sous un jour nouveau, comme si les nuages se défaisaient et qu'un rayon de lumière tombait sur la terre.

Aujourd'hui, cette petite mélodie tendre, chantée sur le mur, qui n'a sans doute pas duré plus d'une demi-minute, a fait naître dans ma poitrine quelque chose de très doux, de soyeux. Aussitôt, j'ai regretté tout le mal que j'ai jamais pu faire à un être humain, toutes les pensées et les sentiments durs que j'ai pu avoir ; une fois de plus, j'ai décidé d'être bonne, bonne à tout prix, tout simplement : c'est mieux que d' « avoir raison » et de tenir le compte de toutes les vexations. 

(23 juin 1917-A Hans Diefenbach p. 160 et 161)
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