Romain est comme toi, il était complètement excité par cette histoire. Il la voyait comme une espèce d’aboutissement d’un vieux rêve, l’occasion de concrétiser une sorte de fantasme. Il pensait vraiment être amoureux de toi et je crois qu’il l’était. Mais ce que vous auriez pu vivre à 15 ans est impossible à 27, tu comprends ?
C’était fou d’entendre cette chanson, leur chanson, leur slow, dans cet endroit ! Judith se serra contre lui et ferma les yeux. Cette parenthèse de tendresse, ce petit bout d’intimité, elle s’y laissa aller, embrassant et caressant Romain, elle qui pourtant, n’aimait pas faire étalage de ses sentiments en public.
Elle se détestait ! Elle avait le sentiment de s’être trahie elle-même, d’avoir trahi la jeune fille qui rêvait secrètement au beau Romain, la petite fille qui rougissait quand leurs regards se croisaient en classe d’allemand, et même la jeune femme qu’elle était encore il y avait à peine quelques mois.
« Te souviens-tu d’un slow, dix ans plus tôt… »
Oui, elle s’en souvenait, elle s’en souviendrait toujours. Tout ce qui arrivait aujourd’hui, tout ce qui faisait son bonheur, était arrivé grâce à lui. Et elle ne regrettait rien.
« On n’était pas faits pour vivre ensemble, ça ne suffit pas toujours de s’aimer bien », chantait Joe Dassin. Oui, ça ne suffisait pas toujours. Le chanteur aurait tout aussi bien pu chanter : « Ça ne suffit pas toujours de s’être aimés ». Et quand elle pensa, dans un dernier sursaut de regrets, qu’il fallait peut-être donner une dernière chance à leur histoire, Joe Dassin lui répondit : « Et l’on sait trop bien que tôt ou tard, demain peut-être ou même ce soir, on va se dire que tout n’est pas perdu, de ce roman inachevé, on va se faire un conte de fées, mais on a passé l’âge, on n’y croirait plus. »
Romain et Judith, c’était devenu un mythe pour vous deux et c’est compliqué de confronter le mythe à la réalité. Un prince charmant qui ronfle, ça perd forcément de son charme !
Les enfants, elle les adorait, tous sans exception… Tous les regards des petits de sa classe, tous leurs sourires faisaient briller la même joie dans son cœur.
Romain n’avait pas changé !Volubile et démonstratif à l’écrit, mais certainement toujours aussi timide et réservé à l’oral que lorsqu’il était au collège.