- Savais-tu qu'aucun explorateur n'a jamais quitté cette île vivant? dit le troisième tigre.
Mon père pensa au chat et se dit que ce n'était pas vrai. Mais bien sûr il avait trop de bon sens pour l'exprimer. On ne contredit pas un tigre qui a faim.
Il marcha toute la nuit, et deux événements inquiétant se produisirent. D'abord, il eut besoin d'éternuer, et il éternua, et quelqu'un à côté de lui dit :
- C'est toi, Singe ?
Mon père répondit :
- Oui.
Alors la voix dit :
- Singe, tu portes quelque chose sur ton dos ?
Et mon père répondit :
- Oui.
Parce que c'était vrai. il avait son sac à dos sur le dos.
- Qu'as-tu donc sur le dos, Singe ? demanda la voix.
Mon père ne savait que répondre parce que, qu'est-ce-qu'un singe pourrait bien porter sur son dos, et puis comment s'y prendrait-il pour le faire savoir à des gens, au cas où il porterait véritablement quelque chose ?
- Quand je serai grand, je veux avoir un avion. Ce serait pas merveilleux de pouvoir aller partout où on en a envie en volant ?
- Tu aimerais vraiment voler, vraiment ? demanda le chat.
- Si j'aimerais? Je ferais tout, rien que pour ça.
- Mouaif, dit le chat, si tu en as tellement envie, je crois que je sais comment tu pourrais voler même si tu n'es encore qu'un petit garçon.
- Tu veux dire que tu sais où je pourrais trouver un avion ?
- Mouaif, pas exactement un avion. Quelque chose d'encore mieux.
En s'éveillant le lendemain matin, mon père avait très faim. Alors qu'il cherchait s'il ne lui restait rien à manger, quelque chose lui tomba sur la tête. C'était une mandarine. Il avait dormi juste sous un arbre couvert de belles, grosses mandarines. Il se souvint alors qu'il se trouvait sur l'île de Mandarine et que des mandariniers sauvages y poussaient un peu partout. Mon père en cueillit autant qu'il pouvait en emporter, c'est-à-dire trente et une, puis se mit en chemin pour trouver l'île Sauvage.