S. Corinna Bille

Il lui demandait :
– D'où vous venez ?
– Devinez !
– Oh ! Je ne connais pas bien l'accent des régions.
Puis :
– De Paris ?
– Non... (Elle avait ri.) De la Suisse.
– Je suis monté une fois là-haut pour conduire un camion de la Croix-Rouge, juste après la guerre, en 45, à Genève. Ils nous ont très bien reçus.
– Moi, j'habite le Valais, c'est le berceau du Rhône.
– Dans les montagnes ?
– Oui.
Avant de la quitter, l'homme dit encore :
– Vous venez danser, ce soir ?
– Non, j'y suis allée hier, à la Fête.
" Qu'est-ce qui m'arrive ? " songeait-elle, étourdie, grisée par la mer, ce pêcheur, les vagues qu'elle sentait encore se heurter contre ses seins. Inquiète et confiante.
Elle eut envie d'écrire à son mari, de lui demander conseil. Etait-ce dangereux de courir les plages avec un de ces indigènes, ou bien fallait-il s'y risquer ? Elle avait un peu peur et surtout d'elle-même. Mais la joie l'emporta :
" Je courrai le risque. "

[S. Corinna BILLE, "Oeil-de-Mer", éd. L'aire bleue (Vevey, Suisse), Deuxième partie : "L'AMOUR", chapitre I, page 41]