Sabine Arnault

Marc est là devant moi, tout sourire. Il me prend dans ses bras. C’est parti ! Ses yeux m’envisagent avec gourmandise, et courent le long de mon corps. Ses mains comme pour confirmer mes dires, se posent dans un premier temps sur mon visage. Il me parle. De quoi ? Je ne sais pas, mon esprit s’évade quelques secondes, trop afféré à contrôler mes hormones. Vous savez ce que c’est… Son regard se focalise sur ma bouche. Ses doigts effleurent mes lèvres, jouent les explorateurs, en suivent le pourtour, s’attardent sur les commissures. Mes lèvres ne peuvent réfréner une montée d’adrénaline, elles s’entrouvrent. Nos visages se rapprochent. Je sens son souffle. Je peux le respirer, tant il est proche. Son parfum m’enrubanne. La musique s’oublie quelque part. Je suis envoûtée. Un trouble d’une intensité extrême me saisit. Encore quelques millimètres. Je me sens fondre.

C’est fou ce que l’on ressent quand on a une main du sexe opposé dans la sienne. Que c’est bon ! Je ne trouve pas de mots assez forts pour traduire cette sensation si nouvelle pour moi. On devrait faire cela tous les jours ! Pendant que j’étais partie dans mes réflexions, il en profita pour déposer ma main sur sa joue. Celle-ci ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait, il fallait que l’information arrive au cerveau, et qu’elle redescende. Oui, mais voilà, mon cerveau était si émoustillé qu’il en bloquait le retour. Cela ne dura pourtant que quelques secondes. Quelques secondes qui durèrent une éternité. Une sensation de bonheur intense me fit gonfler la poitrine, et ma respiration prit un nouveau départ.

En effet, plus je regardais fixement le tableau, où trônaient les deux sexes bien distincts de l’espèce humaine, plus je me disais qu’il était très certainement la clef de ce mal-être. Quel était le secret de mon trouble ? Quels étaient les tenants et les aboutissants de ce nuage qui troublaient ma sérénité ? Accompagnée de mon inséparable gêne, je regardais les visages rieurs, moqueurs, de mes camarades, et, là, l’illusion fit place à la réalité. Le verdict tomba comme un couperet : je n’étais pas saine d’esprit ! Quelque chose n’allait pas, quelque chose clochait, c’était évident.

La musique flotte toujours. Du jazz. J’aime cette musique, qui me transporte jusqu’à un des lits où il me demande de m’allonger. Comme vous j’aurais bien aimé qu’il m’embrasse auparavant. Nos mains sont toujours liées. Nous voilà maintenant allongés chacun sur un lit. Il me parle, me rassure. Des mots tendres s’élèvent vers mon âme. Ils sortent de cette bouche si sensuelle. Ses lèvres se tendent vers moi, me supplient. Mais je résiste. Maman m’a toujours dit de ne pas prendre de gourmandises entre les repas…Nos mains se séparent enfin.

Je me noie dans un océan de bien-être quand une ombre vient tout gâcher. Elle me cache les rayons bienfaiteurs du soleil. Un petit frais quasi-immédiat me donne la chair de poule. Je rage. Qui peut avoir l’audace de venir me faire de l’ombre, et, de ce fait, m’enquiquiner ?